lundi 23 juin 2014

Plaza Mayor de Salamanca : Ici bat le cœur de la ville


Cela fait un certain temps que je ne vous ai pas emmené visiter Salamanque. Retour dans cette ville chère à mon cœur pour découvrir son monument le plus emblématique : la Plaza Mayor. Celle de la ville serait la plus belle d’Espagne si l’on en croit les voyageurs qui ont parcouru le pays. En tout cas, elle marque à jamais les souvenirs des personnes qui la découvrent, car plus qu’une place, c’est avant tout un monument à elle toute seule.

            La Plaza Mayor de Salamanque, si elle reprend les canons dictés par la place de Valladolid, est plus prestigieuse, moins austère. On ne s’étonnait pas de ces traits de caractère qui correspondaient au roi Philippe II, régnant lors de l’aménagement de la place à Valladolid. De même les plans de la place de Salamanque reçoivent l’assentiment de Philippe V, et les deux places sont aussi différentes que le sont les châteaux des deux rois. Autant celle de Philippe II à Valladolid symbolise la rigueur, à contrario des places médiévales, comme le faisait son château/monastère de l’Escorial ; autant la place de son descendant est raffinée, travaillée, splendide à l’image de son petit Versailles espagnol, la Granja de San Ildelfonso.


            168 ans séparent le début de l'aménagement de chacune des places, entre temps le baroque est né et s’est fait une place de choix dans les préférences architecturales du XVIIIe siècle. Alberto Churriguera (1676-1750) lance la construction en 1729, elle ne va s’achever qu’en 1755 sous la direction d’un autre architecte Andres Garcia Quiñones. Les Churriguera sont une des familles qui a le plus marqué l’histoire de l’architecture dans la ville, ils mériteraient à eux seuls un article sur le blog, et ils l’auront, mais pour l’heure je vous rappelle qu’ils ont par exemple, travaillé sur le maître autel de  San Esteban et à la cathédrale de la ville. Les trois frères, indépendamment les uns des autres, ont laissé leur marque dans l’histoire de l’art espagnol.

La mairie de Salamanca
Revenons donc à la Plaza Mayor, œuvre d’Alberto, qui travaille avec d’autres architectes et sculpteurs parmi lesquels ses neveux Nicolas et José. L’ouvrage trouve son inspiration dans différentes places déjà réalisées comme celle de Madrid, et s’accorde avec les préoccupations de son temps, lieu de vie, lieu d’échange et place royale. Cette immense réalisation dotée de 88 arcs et 247 balcons ne s’est pas faîte aussi vite que l’auraient espéré certains. En réalité plusieurs phases sont nécessaires pour la réalisation de cet ouvrage monumental. En 1733 l’aile Est est la première à être terminée. Les travaux vont être énormément ralentis à partir de 1735 par des procès menés par certains habitants qui ont perdu leurs logements à cause du projet. Après le décès de Churriguera, Andres Garcia Quiñones termine les travaux en réalisant notamment la mairie.
Médaillon de Vasquez de Coronado
Détail qui a son importance, on retrouve sur chaque pilier de la Plaza Mayor un médaillon. Chacun d’eux représente un souverain d’Espagne jusqu’à aujourd’hui, mais aussi des saints comme Santa Theresa, ou des personnages qui marquèrent l’histoire de la ville comme Unamuno ou du pays comme El Cid et Cervantès, ou encore dans un autre registre Franco. Ce dernier a fait couler beaucoup d’encre comme vous vous en doutez, et a été plusieurs fois vandalisé. Le médaillon représentant Juan Carlos et sa femme a été installé en 1984, le nouveau roi d’Espagne Philippe VI connaitra-t-il aussi cet honneur ?  ( Retrouvez la liste de tout les médaillons ici ) 
En 1846 on cesse une première fois les corridas sur la Plaza Mayor, on se penche sur son aménagement. A partir de 1869 la place va perdre l’apparence que nous lui connaissons aujourd’hui pour s’apparenter de plus en plus à un jardin avec une fontaine en son centre. J’ai découvert d’anciennes photos à la filmothèque de Castilla y Leon, à Salamanque justement, qui permettent de prendre la mesure de ces changements. Pour les découvrir, demandez s'il est possible de consulter les ouvrages de la bibliothèque. Et, mais c’est un avis personnel, je trouve qu’un peu de verdure ne nuisait pas dans ce décor très minéral. Cette place était devenue un lieu de rencontre, mais restait un lieu de célébrations et de fêtes, on y avait même installer un petit kiosque, qui fut d'abord en bois au début du XXe siècle.
 La deuxième moitié du XXe siècle voit la fin définitive des jardins. En 1954 les derniers carrés de verdure disparaissent suite à une visite de Franco. Cette place a pour lui toute son importance car elle symbolise en partie son accession au pouvoir puisqu’il y rencontra pour la première fois en tant que chef d’état les ambassadeurs d’Hitler et Mussolini. En 1956 un concours est organisé dans le but de créer un élément central pour décorer la place, comme une fontaine ou une croix. Finalement ce projet sera écarté. En juillet 1972 a lieu le dernier spectacle de tauromachie sur la place. En effet en 1973 elle est classée comme « bien d’intérêt culturel », pourtant aujourd’hui, selon les services du patrimoine, il est plus que temps de lutter contre sa détérioration.

une après midi de printemps sur la Plaza Mayor

Lieu de vie pour les touristes comme pour les habitants de la ville il faut évidement la voir le jour, mais aussi la découvrir la nuit illuminée et animée. Là un groupe de Tunos a pris possession d’une terrasse, ici les enfants se poursuivent sous le regard attendri des grands parents, plus loin des touristes épuisés admirent le monument, assis sur l’un des rares bancs disponibles. Certes on n’attend plus sa place en terrasse comme en 2010 lors de mon premier voyage, la crise économique a rendu les gens plus attentifs à la dépense, mais l’ambiance qui règne à Salamanque, sur cette place, ne semble jamais pouvoir s’éteindre. Chaque été, quand je m’assois sur cette place je sens battre le cœur de la ville, et c’est un des plus beaux moments des mes voyages dans la région. 

A consulter, ce travail sur l’œuvre d’Alberto Churriguera en autres:
Damisch Hubert. L'œuvre des Churriguerra : la « catégorie »du masque. In:Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 15e année, N. 3, 1960. pp. 466-484.
A découvrir un article du musée du commerce sur le fameux kiosque

2 commentaires:

  1. Je ne connaissais pas du tout, merci de faire découvrir ce bel endroit et pour la rédaction d'un article aussi détaillé ! Ça me donne envie d'y mettre les pieds et de découvrir pour "de vrai" !

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    1. Une soirée sur Plaza Mayor de Salamanque c’est une expérience à vivre, vraiment je ne peux que te conseiller d’aller la découvrir « en vrai ».

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