mercredi 11 mars 2015

Il était une fois… Philippe II, roi architecte ?

           Nouvelle rubrique du blog, promise au mois de septembre, les dossiers il était une fois. Je vous propose non pas une visite particulière, comme j’en ai l’habitude, mais un autre point de vue visant à découvrir la région autrement. Aujourd’hui, pour ce premier essai, je vous propose d’aborder cette région en étudiant ce que nous a légué le roi Philippe II, dans la région, puisque nous l’avons croisé à plusieurs reprises.
Qui était Philippe II ?
Parlons rapidement des grandes dates de sa vie. Né en 1527 dans le palais Pimentel à Valladolid, il est le fils d’un illustre personnage puisque son père n’est autre que Charles Quint. Question généalogie, il est le maillon d’une chaîne qui unit de grands souverains, en effet, si il est le fils d’un empereur, il est aussi l’arrière-grand-père du roi soleil, Louis XIV. Par sa mère, il est le petit fils du roi du Portugal, Manuel Ier, d'où son titre de roi des Espagnes (Portugal + Espagne). Côté mariage, on citera deux de ses quatre épouses, sa deuxième épouse, Marie Tudor, reine d’Angleterre, qui en fit le prince consort de ce pays quelque temps. Sa troisième femme, est une des filles d’Henri II, roi de France. Quand il décède en 1598, à 71 ans, il a donc joué un rôle important dans les grandes dynasties européennes de son époque. Voilà pour ce qui est de le situer dans vos, lointains, cours d’histoire. Le but n’étant pas, dans cette rubrique, de faire une biographie précise du roi, je vous propose d’aborder le personnage par sa passion pour l’architecture.

la plaza mayor de Valladolid un des legs les plus importants de 
Philippe II à l'histoire de architecture 

Un prince porté par une éducation humaniste
Notre roi a lu le traité de Vitruve, où il trouve des principes qui lui conviennent, équilibre et rigueur. Il faut tout de même préciser que Charles Quint s’est assuré de donner une éducation riche à son successeur, influencé par l’humanisme. Il apprend le grec, la géographie ou encore l’histoire. A la lecture de l’architecte grec, il ajoute aussi les écrits de Copernic, Erasme, Pétrarque et les classiques comme Pline. Philippe II ne fit pas que lire des traités puisqu’il en permit très tôt la publication en délivrant ses premières autorisations, alors qu’il n’était que prince, dès 1552. Si l’architecture domine ses passions c’est un homme lettré et amateur de littérature par exemple. Ce n’est certes pas un homme de bataille, c’est un amoureux de la nature et des arts. Finalement c’est la légende noire d’un roi sévère qui a pris le pas, mais quand on aborde l'homme par ses passions, c'est une personne qui aurait peut-être du être architecte plutôt que roi. A défaut de changer son destin, il a orienté celui d’un autre homme.
Herrera, un architecte au parcours complexe.
En matière d’architecture Philippe II a un architecte favori, Juan de Herrera. Cet homme, petit noble désargenté, tente de survivre en choisissant le métier des armes à partir de 1551. Grâce à ses mariages, il réussit à se constituer une petite fortune et un domaine. Ayant quelques goûts pour le dessin et les mathématiques, il est nommé, par le roi Philippe, assistant de l’architecte Juan de Bautista de Toledo, lui-même ex-assistant de Michel Ange, Herrera va peu à peu se former. C’est là que se croisent, réellement, les destins du roi-architecte et du petit noble. En effet le souverain exige d’être informé de tous les choix de ses bureaux d’architecture, il veut voir chaque dessin, cela à partir de 1570. Une petite dizaine d’années plus tard Herrera est devenu architecte royal. Grâce à cette collaboration avec le roi, Herrera laissera son nom à un style architectural ; le style herreriano.

L'Escorial

Philippe II et Herrera, l’Escorial leur plus grand legs
L’Escorial fut l’une de ses plus grandes réalisations. Bien que le palais, à quelques kilomètres près, ne soit pas en Castilla y Leon, je ne peux faire l’impasse sur ce monument. Je n’ai pu m’empêcher d’écrire un article sur cette merveille de l’architecture. Philippe II s’intéressait au style des palais français et flamand, il avait, en cela, été très marqué par un de ses voyages aux Pays-Bas. Il trouve avec Herrera quelqu’un qui s’adapte plus facilement à ses goûts que Toledo, trop marqué par le style italien. Pour le roi, l’Escorial est son grand projet, il se concerte peut-être toutes les semaines avec son architecte qui a repris le projet après Toledo. On a dit parfois que le château était à l’image de son commanditaire, le roi, froid et austère. Personnellement je trouve le bâtiment plutôt somptueux. Passons. Ce qui compte, c’est l’importance qu’a eu le monument dans la vie du roi qui a quand même 40 ans quand les travaux débutent. Et il suit de près tous le chantiers, des dessins aux grèves des ouvriers. Il prend personnellement les décisions pour forcer la bonne marche de son œuvre. C’est peut-être 3 000 hommes qui travaillent ensemble sur ce chantier à certains moments.     
Un nouveau visage pour Valladolid.
Dans une interview récemment publiée sur le blog, mon interlocutrice me signalait que Philippe II était le roi le plus important pour Valladolid. En effet le roi a énormément investi dans de grandes réalisations architecturales dans sa ville natale. Il faut dire que l’incendie de 1561 lui donna de quoi faire. La ville était un terrain de jeu qui s’offrait au souverain, décidé à en faire un modèle de rationalité, un laboratoire architectural en un mot. Sur ce point ne vous méprenez pas, aujourd’hui Valladolid n’est pas Manhattan, les rues ne se croisent pas à angle droit, et ne forment pas de jolis petits rectangles. Néanmoins on sent l’esprit du roi, le choix de mieux « ranger » la ville en un mot. Bien que la capitale vienne de se déplacer à Madrid, Philippe II n’abandonne donc pas sa ville. Premier exemple, sa Plaza Mayor, qui sort de terre sur ses ordres, œuvre d’un architecte nommé Francisco de Salamanca. Je vous rappelle ce que je vous avais expliqué dans l’article consacré à cette place, elle deviendra un modèle mondial, qui sera repris jusque de l’autre côté de l’Atlantique. De même, il décide de faire construire une nouvelle cathédrale pour sa ville en 1589, travail qu’il confie à son architecte Juan de Herrera, monument à l’étrange destin puisqu’il ne sera jamais terminé. Dans la campagne de Valladolid il choisit de faire aménager le château de Simancas de façon à ce qu’il soit vraiment adapté à la fonction que lui destinait Charles Quint, c'est-à-dire à la conservation des archives. On perçoit donc, par ces quelques exemples, la façon dont Philippe II propose un destin peu ordinaire à Valladolid, un rénovation de la ville alors quelle vient de perdre son statut de capitale du royaume.

Castillo de Simancas

          Philippe II est donc un roi peu connu des français, à la réputation peu sympathique mais en l'abordant par ses passions, on découvre un homme à la fois très investi par sa fonction royale et très cultivé. L'impulsion qu'il a donné à l'architecture est non-négligeable, c'est peut-être froid, surtout comparé au baroque, mais cela permet de comprendre que l'école italienne ne domine pas toutes les cours d'Europe. J'espère qu'à la suite de cette lecture, vous porterez un autre regard sur ce roi à part.
           Je souhaite que cette nouvelle formule vous plaîse, dîtes moi en commentaire ce que vous en avez pensé. Je vais essayer d’en proposer un par mois, j’hésite encore pour le prochain.
            Bon voyage dans la région.

Petite bibliographie utilisée pour réaliser cet article

- Braudel Fernand. L'Espagne de Charles Quint et de Philippe II. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 6e année, N. 1, 1951. pp. 49-60.
- Pérez Joseph, L'Espagne de Philippe II, Fayard, 1999 [Vous pouvez retrouver ma critique sur cet ouvrage dans cet article]
- Cocula Anne-Marie , Gabarron Marie , Adhésions et résistances à l'état en France et en Espagne, 1620-1660, Presses Universitaire de Bordeaux, 2001
- Encyclopaedia Universalis, Dictionnaire des Architectes (Les Dictionnaires d'Universalis), 2014

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