mercredi 15 avril 2015

Il était une fois... Les Churriguera, une dynastie d'artistes

Plaza Mayor de Salamanque

           On les croise sans cesse, surtout lorsqu’on visite Salamanque, mais on peine à comprendre leurs rôles, à savoir quel lien les unit, frères, neveux, pères ? Un petit dossier s’imposait donc pour mieux comprendre cette dynastie d’architectes qui régna sur les grands projets de l’époque et laissa même son nom à un style.
Trois frères pour une grande destinée
            L’histoire commence avec une fratrie dont le père, d’origine catalane, décède en 1679, sculpteur de formation ou assembleur de retables selon les sources. Leur grand-père maternel était sûrement sculpteur, si on suit les suggestions de certains articles, dont vous trouverez les références à la fin de ce billet. Sur les sept enfants qui composent cette famille, trois vont marquer l’histoire de l’architecture. A la mort du chef de famille l’aîné, José, a quatorze ans, Joaquin n’a que quatre ans, et le petit dernier à peine trois ans, il s’appelle Alberto. Parmi les quatre autres Churriguera nous ne parlerons que de Mariana, un peu plus loin. C’est à Madrid que ces enfants vont grandir.

José, l’aîné ouvre la voie     

Le retable  de San Esteban

           Une des premières œuvres marquante est réalisée par l’aîné de la famille c’est le retable du magnifique couvent San Esteban (1693), où il permet à Alberto de compléter son apprentissage. José, prenant de l’importance, deviendra un véritable urbaniste, partant de la région qui nous intéresse pour bâtir un village à deux pas de Madrid, Nuevo Baztan, puis un palais dans la capitale. Il fut particulièrement reconnu de son vivant, puisqu’il fut qualifié de « Michel Ange espagnol », à sa mort. Très jeune, José s'est fait connaître auprès des plus grands du pays, ainsi, en 1687, il remporte un concours pour la réalisation du catafalque de la reine (estrade destinée à recevoir le cercueil). Joaquin et Alberto ont la chance d’avoir un frère aîné bien en vue à la cour, ce qui leur offre protection et bonnes places. C’est en partie ceci qui leur permettra de faire leurs armes sur le chantier de la cathédrale de SalamanqueLes deux cadets vont se succéder au poste de maître d'oeuvre de ce bâtiment permettant à la famille de tenir ce poste près d'un quart de siècle. 

Joaquin et Alberto, la reprise du style plateresque
Détail de la façade de
San Sebastian
            A Salamanque le style plateresque marque particulièrement l’architecture, il va inspirer les deux cadets. Joaquin va œuvrer plus tard, dans le premier tiers du XVIIIe siècle. Il s’installe à Salamanque en 1692. Une de ses œuvres la plus importante n’est rien de moins que la coupole de la cathédrale de Salamanque, malheureusement détruite par le tremblement de terre de Lisbonne. Il est aussi l’auteur de l’impressionnant retable du convent Santa Clara (1702), que hélas vous ne pourrez apercevoir que de loin lors de votre visite. Mais celui dont vous connaissez sûrement une réalisation c’est le petit Alberto, puisqu’on lui doit la grande Plaza Mayor de Salamanque, débutée en 1729. En même temps il s’affaire à d’autres projets, plus modestes, comme l’église San Sebastian, juste à côté de la cathédrale.  Alberto sévit ailleurs à commencer par la façade de la cathédrale inachevée de Valladolid. Il restera le frère Churriguera le plus connu de la fratrie originelle.

La paternité des œuvres churrigueresques, une longue remise en question
            Alberto s’éteint en 1750. On a longtemps attribué des œuvres aux Churriguera qui n’étaient pas les leurs, il a donc fallu faire le tri sur ce qui avait été fait dans l’enthousiasme de l’époque et ce qui relevait vraiment du travail de cette famille. Le style churrigueresque avait en effet fait des émules et inspiré d’autres artistes, il fallut donc s’attarder sur ce qui a réellement relevé de la célèbre fratrie. Et là, même, il a fallu distinguer qui avait fait quoi. L’aîné a ainsi vu sa liste d’œuvres fondre comme neige au soleil. Peu à peu le nom de ses cadets fut associé aux ouvrages qu’ils avaient dirigés, indépendamment les uns des autres. Mais le fait, surtout pour José et Alberto, que les frères collaborent sur de nombreux projets a compliqué le travail des historiens, tant et si bien qu’aujourd’hui tout n’est pas encore tranché. Certaines œuvres ont aussi été commencées par l’un d’entre eux et terminées par un autre. Alberto après les décès de ses aînés, coup sur coup, en 1724 et 1725, eut ainsi fort à faire. Joaquin de son coté a posé bien des problèmes aux historiens car il a collaboré avec tant d’autres artistes qu’il est difficile de savoir ce qui relève réellement de son travail personnel.

Hotel de ville de la Plaza Mayor, réalisation de Manuel principalement

            Une dynastie en marche ?      
        Leur style a perduré au travers de leur collaborateur comme Andrés García de Quiñones, l’autre architecte de la Plaza Mayor. Le lien entre la famille Churriguera et  l’architecture ne s’est pas arrêté avec le décès d’Alberto puisque la génération suivante a pris le relais. Les fils de José, Nicolas et Jeronimo, deviendront à leur tour architectes. Ils participeront au chantier de la Plaza Mayor sous la direction de leur oncle Alberto. Un neveu, Manuel de Larra Churriguera, fils d’une de leur sœur Mariana, devint aussi architecte et travailla avec ses oncles, terminant à son tour certains de leurs chantiers, par exemple la façade de la cathédrale de Valladolid. Il a travaillé ensuite dans d'autres régions du royaume, comme dans l'actuelle province de Caceres. Le frère de Manuel était quant à lui sculpteur, principalement formé par l’aîné des Churriguera, il partira vivre à Lisbonne. La seconde génération a moins marqué Salamanque, quoique, mais c’est un tort de l’oublier puisqu’elle montre à quel point cette famille a su s’installer, voir dominer, l’architecture de l’époque.
         En bonus je vous propose une frise concernant les trois frères et leurs œuvres. En bleu les éléments de vie de José et ses œuvres, vert pour Joaquin, rouge pour Alberto. La frise n’est pas exhaustive, j’ai fait au mieux, pour l’attribution des œuvres, gardez en tête que parfois les historiens ont, eux même, du mal à trancher. Je n’ai pas toutes les œuvres mais celles qui m’ont paru assez documentées, avec date, et nom des Churriguera clairement lié à ce travail.
Cliquer pour agrandir :




Bibliographie :

BENDALN GALAN Manuel, Manual de arte espanol, Silex Ediciones, 2003

CIUDAD D’ORGAZ, Obra artística de Churriguera, => http://www.villadeorgaz.es/orgaz-personajes-churriguera-obras.html

DAMISCH Hubert, « L'œuvre des Churriguera : la « catégorie » du masque ». Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 15e année, N. 3, 1960. pp. 466-484.

LAVEDAN Pierre, HUGUENEY Jeanne, HENRAT Philippe, L'urbanisme à l'époque moderne, XVIe-XVIIIe siècle, Paris Genève, 1982.

RODRIGUEZ DE CEBALLOS Alfonso, Los Churriguera, Volume 46 de Artes y Artistas, Instituto Diego Velazquez, 1971   



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