Je
vous parlais, il n’y a pas si longtemps, du quatuor touristique qui domine
l’offre de Ségovie (Aqueduc, Cathédrale, Acalzar et Real Casa de Moneda). Il se
pourrait bien qu’un nouveau quartier devienne une attraction phare, le quartier
juif. Je n’en n’ai parlé qu’une fois, pour un sujet qui n’avait rien à voir
avec cette caractéristique, la statue d’Agapito Marazuela. Située en contrebas
de la cathédrale, la juiverie possède plusieurs éléments singuliers dont le
plus important est sûrement l’ancienne synagogue. Vous n’aurez pas souvent
l’occasion d’en visiter une, alors profitez en et venez découvrir avec moi ce
monument à la croisée des trois grandes religions monothéistes.
La
ville a eu jusqu’à cinq synagogues, celle que nous visitons aujourd’hui est dite la
Mayor. Ses origines remontent au XIIIe siècle, mais certains supposent qu’une
mosquée l’a peut-être précédée au même endroit. Ce qui est sûr c’est que la
synagogue reprend des codes architecturaux musulmans, voyez ses arcs par
exemple, la division en trois nefs, et surtout l’orientation originale, elle n'est pas tournée vers Jerusalem. Les
lieux sont confisqués en 1410 pour être convertis en église chrétienne, en effet
on accuse des juifs d’avoir brûlé une hostie dans la synagogue. Les lieux sont récupérés et c’est la
naissance de l’église du Corpus Christi. Les tensions sont donc de plus en plus
fortes entre les communautés dans l’espace réduit des murailles. C’est dans
cette période agitée, qu’on exhorte musulmans et juifs à se convertir, les
dignitaires religieux se pressent dans la ville. Tout ceci a lieu durant une époque de régence, d’instabilité politique. Il est sûr qu’en 1421 la Synagogue
Mayor est passée aux mains de l’abbaye des augustins. Elle
resta sujet de tensions entre catholiques et juifs dans cette ville.
Par des jeux
d’annexion des propriétés de l’abbaye, en 1571, c’est le monastère del’Escorial qui en devient propriétaire. Il revend le bâtiment, et l’ensemble
devient un convent de Clarisses. Elles l’occuperont définitivement, mais le
monument n’en est pas pour autant sauvé. Premièrement le désamortissement de
1836 qui faillit provoquer sa destruction pure et simple. Les intellectuels de
Ségovie notamment permirent d’éviter le pire, et de nombreuses publications suscitent l’intérêt, pour l’église, mais
l’histoire finit par rattraper le monument.
Une nuit
d’août 1899 l’église part en flammes, et les photographies d’époque nous montrent qu’il n’en reste, pour ainsi dire, rien. A l’heure actuelle tout laisse à penser
que l'incendie fut accidentel. Quelques arcs ont survécu, mais c’est à peu près tout, plus
de toit, les murs en ruine, et le retable par exemple est parti en fumée,
seules des lithographies en témoignent encore. L’église est restaurée, vite et sans la
rigueur que nous connaissons aujourd’hui dans les processus de restauration. Elle
rouvre en 1902.
Un siècle plus tard, l’église
est à nouveau restaurée pendant près de deux ans et ouvre à nouveau au public le 7
septembre 2003. Cette fois la restauration a été aussi précise que possible, et
s’appuie sur les sources historiques , par exemple, les chapiteaux ont
été changé. L’idée est de lui redonner son apparence originale, c’est à dire
avant l’incendie. Des détails seront encore modifiés dans les années suivantes
pour améliorer et conclure tout à fait les restaurations. Cette belle
restauration s’inscrit dans un projet général qui lève le voile sur le passé
juif de la ville avec un centre d’interprétation de cette culture dont je vous
reparlerai.
Cette
attraction, désormais mise en avant par l’office de tourisme peut-être intéressante,
à fortiori dans le contexte de tensions religieuses. On a rarement l’occasion
de découvrir un monument qui témoigne aussi bien des luttes qui ont été menées dans les villes, de l’évolution permanente des populations et de leur croyance.
C’est aussi un moyen de découvrir une autre partie de l’histoire juive que l’on
ne connaît trop souvent aujourd’hui par l’unique prisme de la Shoah. Une
visite qui sort de l’ordinaire qu’il ne faudrait rater sous aucun prétexte lors
de votre passage en ville.
A
bientôt pour une visite non loin de Burgos
GORDO PELAEZ Luis, GARCIA GIRON
Raul, La Antigua Sinagoga Mayor de Segovia, Museo Séfardi, 2011 [Disponible en ligne,
consulté le 12 novembre 2015]
HERRERO Bonifacio Bartolomé,
« La sinagoga Mayor de Segovia y sus propiedades urbanas a comienzos del
siglo xv » Sefarad, vol. 72:1, enero-junio 2012, págs. 191-225
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire