mardi 6 août 2024

La casa Mantilla de Valladolid: L’œuvre de Saracíbar, vitrine d’une modernité disparue ?


            Premier article après mon retour d’Espagne, je vous propose paradoxalement un article sur une des villes que je n’ai pas visitée cette année. Je commence à Valladolid une série sur des bâtiments singuliers comme nous l’avions déjà fait en décembre dernier. Pour débuter, nous voici donc dans l’ancienne capitale espagnole qui n’a cessé, même après avoir perdu cette distinction, de tenter de se distinguer architecturalement. Si le passage Gutiérrez est souvent cité, de nombreux immeubles méritent votre attention, comme nous l’avions déjà vu avec l’Edificio de La Unión y El Fénix. 

            Remontons le temps, nous sommes à Valladolid à la fin du XIXe siècle, en face du Campo Grande. L’ancien grand hôpital de la ville vient d’être rasé après trois siècles de bons et loyaux services. Différents événements politiques, dont la desamortisacion de Mendizabal ont progressivement mis fin à cette institution historique à laquelle les habitants de la ville étaient attachés. Nous sommes à l’automne 1883. Certaines parties de l’ancien hôpital sont sauvées, vendues ou déplacées. Vous pouvez apercevoir un morceau de la façade dans les jardins de la casa museo de Cervantes, déplacé ici puisqu’il avait évoqué l’hôpital dans un de ses romans.  



            Julio Saracíbar, architecte comme son père, se voit confier le projet d’un nouvel immeuble sur le terrain récemment racheté. Le basque, originaire de Vitoria, a laissé plusieurs réalisations dans sa ville natale, mais il a aussi sévi dans plusieurs localités espagnoles et outre-Atlantique. Il a travaillé aussi bien sur des immeubles d’habitation que des bâtiments publics comme des marchés ou des prisons. Sa carrière n’est pas forcément bien connue par les historiens de l’art aujourd’hui, on sait peu de choses sur ses réalisations en Amérique Latine par exemple ; il a laissé à Valladolid deux de ses plus beaux projets. Aujourd’hui, nous nous concentrons sur la Casa Mantilla, qui porte le nom du promoteur cantabrique qui en fit la commande : Fidel Recio Mantilla. L’architecte va privilégier une structure métallique pour ce nouveau projet.  


            L’édifice devient alors une vitrine de la modernité, il est le premier de la ville à se doter d’un ascenseur en 1891. Une petite révolution qui atteint les villes de Castille de manière très inégale, puisque León, par exemple, devra attendre encore plus de trente ans avant d’en avoir un. Le premier en Espagne date seulement de 1877 dans la capitale. De nombreuses innovations techniques sont proposées aux futurs habitants de cet immeuble bourgeois éclectique de Valladolid qui n’est pas sans rappeler ce qui se fait alors à Madrid. Dès l’achèvement du chantier en 1892, il devient donc un incontournable de la ville où il brille déjà par son éclairage électrique privé novateur. Julio Saracíbar livre donc un beau bâtiment en faisant venir le meilleur des techniques architecturales de toute l’Europe, n’hésitant pas à importer telle machine d’Angleterre ou à faire concevoir tel élément en France ou encore à Barcelone. De cette synthèse de savoir-faire, naît cette réalisation qui s’inscrit définitivement dans le paysage de la ville.    

Le bâtiment est gravement endommagé dans le bombardement du 8 avril 1937, sa position centrale à deux pas de l’académie de cavalerie le place dans une zone à haut risque. La ville de Valladolid enterre plusieurs dizaines de ses habitants morts sous des bombardements durant la guerre civile et compte des centaines de blessés entre le 1er août 1936 et le 25 janvier 1938. Aujourd’hui, sur la casa Mantilla, il n’y a plus aucun indice qui indique la blessure de l’immeuble dont vous pourrez facilement trouver des photographies en vous promenant sur internet. Je vous ai mis quelques liens en bas de l’article.


            Avec son architecture et son emplacement de choix, l’immeuble est resté un bien de luxe, restauré en 2007. Si vous souhaitez vous y installer il faudra tout de même prévoir quelques économies car le mètre carré atteignait plus de 8 000€ en 2023. A défaut d’y vivre, prenez le temps de l’admirer lors d’une promenade dans Valladolid, en chemin entre la Plaza Mayor et le Campo Grande.

Je vous retrouve bientôt pour d’autres façades hors-norme en Castille. Vous pouvez retrouver les immeubles remarquables déjà présentés sur le blog en suivant ce lien. Bonne lecture à tous et à bientôt.

A lire pour aller plus loin :

EXTRAMIANA Marta, « Los Saracibar: arquitectos que modelaron Vitoria-Gasteiz » in gasteizhoy.com, le 13 mai 2022

GONZALEZ Diego, « Los secretos de la casa más cara de Valladolid: la primera que tuvo ascensor » in diariodevalladolid.es, le 30 avril 2023

NEGRO Laura, « Vivir en la Casa Mantilla: el piso imponente que fue destruido por una bomba » in elnortedecastilla.es le 9 octobre 2023

PALOMARES ALARCON Sheila, Los mercados en el hilo conductor de la obra del arquitecto Julio de Saracíbar, in upo.es en 2016


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