mercredi 12 février 2014

La valle de Los Caïdos : au cœur d'une histoire déchirée


Dix jours d'absence sur le blog car je suis un peu débordée par le travail ce semestre. Et puis j'ai longuement réfléchi en écrivant cet article, pris mon temps pour l'écrire et éviter de froisser mes lecteurs. Nous voilà à deux pas de l’Escorial, non loin de Madrid, face à un monument bien plus récent que la plupart des éléments que j’ai pu présenter avant. Plus jeune même que le Cristo del Otero, dont je parlais dans mon dernier article, le point commun avec le monument d’aujourd’hui c’est avant tout l’aspect monumental, l’utilisation d’un symbole religieux et la fonction de tombeau que revêt l’édifice central de la Valle de los Caïdos (Vallée des morts). Les comparaisons s’arrêtent ici, car l’homme qui est à l’origine de ce projet n’est autre que Franco. C’est un lieu désormais extrêmement controversé.
            Il fallu dix-huit ans pour bâtir le monument, la construction débute en 1940. Franco fait bâtir ce lieu pour les combattants nationalistes, morts dans la guerre civile. Plus de 30 800 hommes reposeraient ici, pour prendre le total le plus souvent retenu. La main-d’œuvre est principalement constituée de prisonniers politiques, je n’avancerai pas de chiffre ils diffèrent trop d’une source à l’autre, s’ajoutaient aussi des prisonniers de droit commun, semble-t-il. Pour ce qui est des prisonniers politiques ce travail leur aurait permis de réduire leur peine de prison, un jour de travail équivalait, peut-être, à 3 ou quatre jours de prison. Quant à l’existence d’un salaire pour les prisonniers cela reste assez flou. Les conditions de travail était très dures et tous ne sortirent pas vivants de la Valle de Los Caîdos, là encore les chiffres divergent.


La croix mesure près de 150 mètres de haut, c’est la plus haute du monde, elle aurait un poids d’environ 200 000 tonnes. Au bas de cette croix, des sculptures, les quatre évangélistes, par exemple Saint Jean mesure à peu près 18 mètres. Ce dernier devait être un vieil homme selon les choix de l’artiste, mais Franco ne l’entendit pas de cette oreille et aurait fait changer la tête du géant. Mais aujourd’hui ces statues sont en danger, le calcaire noir utilisé s’abîme, le gel et le dégel sont mal supportés par les matériaux. L’eau s’infiltre et abîme l’intérieur même de la statue. En 1958 le monument est terminé, Franco annonce que toute victime de la guerre civile peut y être enterrée, la seule exigence serait d’être baptisé et de nationalité espagnole. On estime qu’un certain  nombre de républicains ont été transférés dans la Valle de los Caïdos sans l’accord des familles. Le 1er avril 1959 à lieu l’inauguration.

travaux sur la Pieta en 2012
            La basilique bénédictine de Santa Cruz est creusée sous la croix. Les photos y sont interdites, ce qui explique leur absence dans cet article. Le lieu a été consacré en 1960 par Jean XXIII. Aujourd’hui des moines habitent encore en permanence dans la vallée et des messes ont régulièrement lieu à l’intérieur de la basilique. En plus d’être un lieu touristique important (450 000 touristes par an), c’est donc encore un sanctuaire vivant, d’où la proposition de certains, qui craignent les extrémistes, d’en faire un musée pour éviter toutes tensions. Aujourd’hui on se déchire encore autour du monument, certains voudraient le voir disparaître, d’autres, comme nous l'avons dit, en faire un lieu de mémoire. Le 20 novembre chaque année des admirateurs du dictateur veulent y célébrer son souvenir, lors de l’anniversaire de sa mort. Dans ce lieu où repose Primo de Rivera et Franco, des personnes viennent fleurir les tombes, ceci  attise souvent les polémiques. Certains voudraient bien déloger Franco de sa dernière demeure. Au cours de l’année 2007 une loi interdit tout rassemblement politique en ces lieux.

Une partie du monastère
En avril 2010 le mausolée fut fermé, des raisons de sécurité avaient alors été invoquées. Nous l’avons dit plus haut, les statues s’abîment et des techniciens sont venus pour tenter de les sauver. Depuis certaines réfections ont eu lieu et le public a, à nouveau, accès au monument. Attention lorsque je me suis rendue on ne pouvait pas monter au pied de la croix, mais nous pouvions visiter la vallée et la basilique. Le prix de la visite aurait énormément augmenté à partir de 2013. Un dernier conseil, faîtes le tour  du monument car la vue diffère, côté basilique et côté monastère. Cette visite est toujours un moment de questionnement, sur ce qui a eu lieu dans ce pays, mais aussi sur le débat, aujourd'hui européen, autour de la mémoire, du patrimoine et du souvenir des dictatures du XXe siècle et de leurs symboles. A votre tour dîtes-moi ce que vous pensez de ce monument si vous l'avez visité, ou ce que vous proposez pour l'avenir de ce monument controversé.


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