Continuons nos promenades où
nous admirons les façades des rues castillanes. Cette série est peut-être un
peu frustrante puisque je ne vous invite à découvrir que des bâtiments fermés au
public, mais les ignorer pour cette seule raison serait un peu dommage. J’espère
que ces articles vous donneront envie de partir vagabonder dans les rues le nez en
l’air. Direction ma bien aimée Salamanca, pour découvrir un
palais situé sur la petite place de Christophe Colomb. Un peu plus haut dans
la rue je vous avais déjà emmené visiter le grand Palacio de la Salina. Celui
du jour, le Palacio de Orellana n’en n’est pas moins intéressant.
Nous plongeons au XVIe siècle, dans
la Salamanque bruyante, estudiantine, commerçante. 1576, c’est probablement Francisco
Pereira de Anaya qui lance la construction de cette grande bâtisse. Le nom de
l’architecte de ce beau bâtiment n’est pas parvenu jusqu’à nous. Le palais
passe, au cours du siècle suivant dans le patrimoine de la famille Pérez de
Herrasti, à qui il appartient encore aujourd’hui. Au XIXe, les propriétaires
devant se trouver à l’étroit, procèdent à l’agrandissement du palais en profitant
du fait que l’église San Adrian vient d’être rasée. L’histoire du bâtiment est
donc globalement assez paisible. Comme nous l’avons vu avec l’ancien hôtel de
Burgos, durant la guerre civile, s'installe en Espagne la Légion Condor, issue de
l’armée de l’air allemande. Si certains résident dans la ville du Cid, un des
chefs séjourne de temps à autre à Salamanca, ses bureaux ayant été installés
dans le Palacio Orellana. Il semble que dans la seconde partie du XXe siècle,
le palais fut assez peu occupé, si ce n’est par ses gardiens. L’incertitude
commence à peser sur sa destinée avec le nouveau millénaire.
Comme je vous l’ai dit plus haut, la
même famille possède les lieux depuis quatre siècles. Cette situation est
souvent une chance pour le patrimoine permettant de conserver une forme de
continuité dans l’ameublement, la conservation des pièces historiques. C’est le
cas puisque, selon la presse, de nombreuses pièces d’art s’y trouvent encore,
dont, tout de même, des œuvres de Goya. Classée bien d’intérêt culturel depuis
une vingtaine d’années, la propriété devrait en théorie être accessible, même
très partiellement, même de façon épisodique, au public. Ainsi va la loi
espagnole, en Castilla y Leon c’est quatre jours par mois d’ouverture qui sont
demandés, en théorie. Évidemment cela doit se faire dans le respect de la vie
privée des propriétaires. Salamanca aimerait au moins que la cour soit de temps
en temps ouverte. A la fin des années 1990, la municipalité avait même tenté de
proposer un bail emphytéotique, sans succès. La famille, propriétaire des
lieux, avait laissé un temps supposer qu’ils mèneraient eux même l’ouverture
d’un musée entre ces murs. Ils avaient proposé un projet en ce sens, avec un
espace intérieur ouvert au public, pour proposer de découvrir des pièces dans
l’ambiance XVIe siècle. Nous étions alors en 2005, et cette casa-museo semblait
une très bonne idée. Pourtant les choses s’envenimèrent, les propriétaires
traînaient peut-être un peu des pieds, et la mairie montant sur ses grands chevaux poussa jusqu’à menacer d’expropriation pour un autre projet qui ne
convenait pas à la famille. Cette dernière se lança donc dans des travaux de
restauration ce qui lui permit d’obtenir une dérogation quant à l’ouverture
obligatoire en 2009. Comme la mairie et les propriétaires semblent aussi têtus l’un que l’autre aucune négociation n’a abouti, quand bien même la famille
comptait, par alliance, un ministre de la culture dans ses rangs. Il faudra suivre les négociations qui se
poursuivront, espérons-le.
Le palacio Orellana est un bel
exemple de construction en chevauchement sur la renaissance et le baroque, d’après
les historiens de l’art. L’intérêt d’attirer votre regard sur ce monument c’est
à la fois de souligner la richesse patrimoniale de Salamanca, qui n’est plus à
démontrer, mais aussi les difficultés de sa mise en valeur. Dans une ville
ultra-touristique on flâne en ignorant les tensions qui animent les coulisses
de ces vieux murs. Les soupçonner c'est porter un autre regard sur les portes des
monuments fermés, c’est comprendre que chaque ouverture est fragile. Alors
profitons des chances qui s’offrent à nous quand l’occasion nous est donnée d’avoir
accès au patrimoine privé.
Bonne découverte de la belle
Salamanque
Quelques
sources :
« El
palacio salmantino que debería abrir al público y lleva 20 años sin hacerlo »
in lagacetadesalamanca.es le 23 avril
2019
« Revés
del TSJ al Gobierno por anular la expropiación del Palacio de Orellana »
in elmundo.es le 10 avril 2011
BLASQUEZ
R., « Los dueños del palacio de Orellana quieren convertirlo en un museo
de época » in abc.es le 26
février 2005
FELIX
L., « Los nazis, los últimos inquilinos del Palacio de Orellana » in lacronicadesalamanca.com le 11 février
2018
GOMEZ
F., « La Comisión de Patrimonio reclama un horario de apertura para San
Cristóbal y Orellana » in elnortedecastilla.es
le 27 septembre 2015
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