samedi 22 février 2020

Palacio de Orellana : Pomme de discorde de l'offre touristique


            Continuons nos promenades où nous admirons les façades des rues castillanes. Cette série est peut-être un peu frustrante puisque je ne vous invite à découvrir que des bâtiments fermés au public, mais les ignorer pour cette seule raison serait un peu dommage. J’espère que ces articles vous donneront envie de partir vagabonder dans les rues le nez en l’air. Direction ma bien aimée Salamanca, pour découvrir un palais situé sur la petite place de Christophe Colomb. Un peu plus haut dans la rue je vous avais déjà emmené visiter le grand Palacio de la Salina. Celui du jour, le Palacio de Orellana n’en n’est pas moins intéressant.
            Nous plongeons au XVIe siècle, dans la Salamanque bruyante, estudiantine, commerçante. 1576, c’est probablement Francisco Pereira de Anaya qui lance la construction de cette grande bâtisse. Le nom de l’architecte de ce beau bâtiment n’est pas parvenu jusqu’à nous. Le palais passe, au cours du siècle suivant dans le patrimoine de la famille Pérez de Herrasti, à qui il appartient encore aujourd’hui. Au XIXe, les propriétaires devant se trouver à l’étroit, procèdent à l’agrandissement du palais en profitant du fait que l’église San Adrian vient d’être rasée. L’histoire du bâtiment est donc globalement assez paisible. Comme nous l’avons vu avec l’ancien hôtel de Burgos, durant la guerre civile, s'installe en Espagne la Légion Condor, issue de l’armée de l’air allemande. Si certains résident dans la ville du Cid, un des chefs séjourne de temps à autre à Salamanca, ses bureaux ayant été installés dans le Palacio Orellana. Il semble que dans la seconde partie du XXe siècle, le palais fut assez peu occupé, si ce n’est par ses gardiens. L’incertitude commence à peser sur sa destinée avec le nouveau millénaire.



            Comme je vous l’ai dit plus haut, la même famille possède les lieux depuis quatre siècles. Cette situation est souvent une chance pour le patrimoine permettant de conserver une forme de continuité dans l’ameublement, la conservation des pièces historiques. C’est le cas puisque, selon la presse, de nombreuses pièces d’art s’y trouvent encore, dont, tout de même, des œuvres de Goya. Classée bien d’intérêt culturel depuis une vingtaine d’années, la propriété devrait en théorie être accessible, même très partiellement, même de façon épisodique, au public. Ainsi va la loi espagnole, en Castilla y Leon c’est quatre jours par mois d’ouverture qui sont demandés, en théorie. Évidemment cela doit se faire dans le respect de la vie privée des propriétaires. Salamanca aimerait au moins que la cour soit de temps en temps ouverte. A la fin des années 1990, la municipalité avait même tenté de proposer un bail emphytéotique, sans succès. La famille, propriétaire des lieux, avait laissé un temps supposer qu’ils mèneraient eux même l’ouverture d’un musée entre ces murs. Ils avaient proposé un projet en ce sens, avec un espace intérieur ouvert au public, pour proposer de découvrir des pièces dans l’ambiance XVIe siècle. Nous étions alors en 2005, et cette casa-museo semblait une très bonne idée. Pourtant les choses s’envenimèrent, les propriétaires traînaient peut-être un peu des pieds, et la mairie montant sur ses grands chevaux poussa jusqu’à menacer d’expropriation pour un autre projet qui ne convenait pas à la famille. Cette dernière se lança donc dans des travaux de restauration ce qui lui permit d’obtenir une dérogation quant à l’ouverture obligatoire en 2009. Comme la mairie et les propriétaires semblent aussi têtus l’un que l’autre aucune négociation n’a abouti, quand bien même la famille comptait, par alliance, un ministre de la culture dans ses rangs. Il faudra suivre les négociations qui se poursuivront, espérons-le.
            Le palacio Orellana est un bel exemple de construction en chevauchement sur la renaissance et le baroque, d’après les historiens de l’art. L’intérêt d’attirer votre regard sur ce monument c’est à la fois de souligner la richesse patrimoniale de Salamanca, qui n’est plus à démontrer, mais aussi les difficultés de sa mise en valeur. Dans une ville ultra-touristique on flâne en ignorant les tensions qui animent les coulisses de ces vieux murs. Les soupçonner c'est porter un autre regard sur les portes des monuments fermés, c’est comprendre que chaque ouverture est fragile. Alors profitons des chances qui s’offrent à nous quand l’occasion nous est donnée d’avoir accès au patrimoine privé.      
            Bonne découverte de la belle Salamanque

Quelques sources :
« El palacio salmantino que debería abrir al público y lleva 20 años sin hacerlo » in lagacetadesalamanca.es le 23 avril 2019
« Revés del TSJ al Gobierno por anular la expropiación del Palacio de Orellana » in elmundo.es le 10 avril 2011
BLASQUEZ R., « Los dueños del palacio de Orellana quieren convertirlo en un museo de época » in abc.es le 26 février 2005
FELIX L., « Los nazis, los últimos inquilinos del Palacio de Orellana » in lacronicadesalamanca.com le 11 février 2018
GOMEZ F., « La Comisión de Patrimonio reclama un horario de apertura para San Cristóbal y Orellana » in elnortedecastilla.es le 27 septembre 2015

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