samedi 18 octobre 2025

Monastère de San Salvador de Oña : au-delà du panthéon des rois castillans


            Après une série sur les hôtels historiques que nous avons terminée à Burgos, nous prenons la direction du nord de la province. Nous commençons une série consacrée aux couvents et monastères pour compléter cette catégorie qui compte déjà plus d’une vingtaine d’articles. Que voulez-vous, la région est riche en patrimoine religieux. Je suis tombée sur une petite merveille du genre lors de mon dernier voyage, alors que je quittais la Castille. C’est une vingtaine de kilomètres avant d’entrer en Pays Basque : le monastère de San Salvador de Oña.


           1011, le comte Sancho Garcia fonde le monastère de San Salvador de Oña. Il est enclavé dans ce terrain montagneux, le long d’une route qui est à l’époque un passage important entre le nord de la Castille et l’Espagne cantabrique. Il est la dot de l’infante Tigrídia, qui se destine à la vie religieuse et qui devint la première abbesse. C’est alors un monastère mixte avec une partie pour les hommes et une autre pour les femmes. La situation perdure jusqu’en 1033, où le monastère devient uniquement masculin et s’inscrit dans la réforme bénédictine. Salvador de Oña connaît alors des siècles de prospérité. A la fin du XIVe siècle, il doit quand même se fortifier après un pillage qui s’inscrit dans l’instabilité politique qui gagne la région.  

Intérieur de l'église

 

Intérieur de la sacristie

            Ce qui a fait l’importance des lieux, c’est le rôle de panthéon pour la famille de Sancho III roi de Pampelune. Gendre du comte Sancho Garcia, le fondateur, protecteur de son beau-frère García Sanchéz qui n’a que sept ans quand le comte décède, Sancho III va devenir l’un des plus puissants seigneurs de son temps. Le décès de García Sanchéz à seulement 20 ans fait de la femme de Sancho III la comtesse de Castille. Au décès du roi Sancho, ses possessions sont partagées entre ses fils ; non sans contestation. Le roi est enterré à Oña. Les querelles de succession se reproduisent et deux frères, parmi ses petit fils, vont se déchirer à leur tour. Sancho II le Fort meurt à Zamora. On dit que c’est le Cid lui-même qui accompagne son corps au monastère pour intégrer le panthéon royal.


            Progressivement les bâtiments changent, la partie romane, terminée en 1074, a été depuis longtemps recouverte par de multiples réformes architecturales. Les siècles passent et le monastère garde une certaine prospérité et surtout une indépendance. Au XVe siècle néanmoins, il est définitivement intégré à la congrégation. Valladolid a alors pris la tête des bénédictins d’Espagne. Malgré la peste bubonique de 1599 qui touche violemment la communauté, le monastère de San Salvador résiste. Je ne vais pas m’étendre dans le détail sur les évolutions architecturales qui sont très nombreuses, vous pouvez lire le travail d’Inès Cambreo Lorenzo en lien en bas de l’article si vous voulez chaque étape. A l’époque gothique, notons quand même l’apparition du nom de l’architecte Simon de Colonia, dont nous avons déjà longuement parlé sur le blog. Le gothique domine désormais et le prestige des lieux rayonne.

            Le mode de vie monacale évolue au XVIe siècle, le monastère doit aussi s’agrandir puisque les moines vont désormais abandonner le dortoir pour des cellules individuelles. La structure n’a de cesse de s’agrandir. Au milieu du XVIIe siècle, la communauté entame la construction d’une nouvelle façade que vous pouvez voir ci-dessous. Le monastère n’a de cesse de croître jusqu’au XVIIIe siècle.

 

            Le XIXe siècle sonne la fin de huit siècles de prestige pour le monastère bénédictin. La région et le village sont d’abord éprouvés par les troupes napoléoniennes. Ce n’est que le début d’une longue chute, avec le départ de l’ordre. En 1835, victime de la desamortización, le monastère est plus ou moins laissé à l’abandon. Le contenu de la bibliothèque médiévale est pillé et dispersé. En 1837, un incendie détruit l’une des chapelles. C’est le début de la ruine du monastère. En 1880, les jésuites s’installent dans l’ancien bâtiment des bénédictins, la compagnie de Jésus fait son retour en Espagne. Cela fait quatre années qu’ils cherchent un lieu pour s’établir en Castille. Ils changent grandement l’usage des lieux et modifient l’intérieur pour créer des classes. Ici les étudiants viennent étudier la théologie et la philosophie.

Partie défensive médiévale
du monastère

L’université fonctionne bien jusque dans les années 1930, une série noire commence avec, encore, des incendies et enfin une nouvelle dissolution du monastère en 1932. C’est une catastrophe pour la commune, des dizaines de familles perdent leurs emplois qui dépendaient du monastère jésuite. Les pouvoirs publics envisagent alors d’y ouvrir un asile, réclamé depuis des décennies dans la province. D’autres forces politiques y verraient bien une prison. Il va de soi que les habitants ne sont pas partants pour cette dernière suggestion. Pourtant en juin 1936, les premiers détenus arrivent. Ils seront 150. Le temps de la prison ne dura pas longtemps puisque la guerre civile éclate. Le monastère fut un temps transformé en hôpital où presque 15 000 malades et blessés furent accueillis durant trois années. Le régime franquiste rétablit ensuite les jésuites dans les murs.

Au terme de la visite de l'église, laissez vous éblouir. 

En 1967, après moins d’un siècle d’occupation, les jésuites quittent les lieux, la région récupère partiellement le monastère pour en faire un hôpital psychiatrique. On construit de nouvelles ailes, mais on rase aussi certaines parties historiques. La restructuration de certaines pièces offre la possibilité de retrouver des éléments architecturaux disparus au fil des agrandissements de la Renaissance. Le monastère accueillera des patients jusque dans les années 1990 et sera aussi une maison de retraite jusqu’à la fin des années 2000.

  

Pour autant, Oña se rêve aussi en berceau de l’histoire castillane qui pourrait bien devenir un site touristique majeur. En 1988, les habitants du village sont à l’initiative d’une nouvelle attraction pour faire connaître l’histoire du monastère. Un grand spectacle « El Cronicón de Oña », est donné en août, les habitants, bénévoles, passent divers costumes pour relater les premiers pas des rois qui fondèrent le monastère et le panthéon castillan. Ce spectacle perdure encore aujourd’hui. Hors période de représentation, les costumes sont exposés dans le monastère.

  

            En 2011, pour les 1000 ans du monastère, un congrès international est organisé alors que les derniers services de l’hôpital ferment leurs portes. C’est l’occasion de transformer les lieux, livrés aux expositions d’art et d’histoire. Ainsi, « las edades del hombre », événement itinérant qui met en avant le patrimoine religieux, valorise les lieux cette année-là.  


            Actuellement, le monastère connaît une grande restauration pour créer une auberge de 120 lits dans l’ancienne partie consacrée à l’hôpital. Oña se tourne définitivement vers le tourisme. Il a fallu une décennie pour que ce projet d’hébergement voit le jour. Il nécessite en effet un travail important de destruction des bâtiments des années 1960/1970. Si l’établissement thermal un temps envisagé ne verra pas le jour, ces dizaines de places d’hébergement devraient donner un coup d’accélérateur à l’économie locale. 


Partie des bâtiments actuellement en réhabilitation 


            La visite touristique libre permet, lors de mon passage en 2025, de visiter l’église, la sacristie et le cloître gothique (le prix très raisonnable n'est que de 4€ avec l'audioguide en français). J’ai eu la chance de me glisser dans le deuxième cloître mais ceci n’est qu’une infime partie de l’ensemble. Certaines pièces sont visibles lors de visites guidées. A terme les lieux pourraient être transformés partiellement en musée de la Castille. Une chose est certaine, je retournerai à San Salvador de Oña.


Deuxième cloître


            Bon voyage à vous et n’hésitez pas faire part de vos impressions de visites si vous êtes aussi allé à Oña.

CAMAZON Alba, « El Cronicón de Oña, la representación teatral que une al pueblo para contar la historia medieval del monasterio burgalés » in eldiario.es, le 13 août 2024

CAMBREO LORENZO Inès, Estudio e interpretación arquitectónica: el monasterio de san salvador de oña, Universidad de Valladolid

TRESPADERNE F., « San Salvador de Oña, un monasterio cajón de sastre » in diariodeburgos.es le 22 novembre 2022

SENRA José Luis, « L'influence clunisienne sur la sculpture castillane du milieu du XIIe siècle : San Salvador de Oña et San Pedro de Cardeña » in Bulletin Monumental, 1995

« Joyas medievales de Oña rescatadas de las sombras » in diariodeburgos.es le 1er juin 2023

Photos durant la guerre civile.

 


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