dimanche 2 novembre 2025

Monastère San Polo de Soria : les murs qui murmuraient aux poètes

 

                Il y a quinze jours, nous avons commencé une série sur les monastères. Après le géant bénédictin d’Oña ouvert au public, je vous propose un tout petit monastère à Soria. J’ai redécouvert la ville l’été dernier, dix ans après mon dernier passage, j’ai pris le temps de me promener sur les berges du Duero. En revenant de l’ermitage de San Saturio, je suis passée sous un monastère que je n’ai pu visiter. Vous avez bien lu, j’ai traversé le monument en passant en dessous et sans l’explorer.


                Niché sur la berge du fleuve, le monastère est et a toujours été à l’extérieur de Soria. Cette position explique les différents usages dont il a fait l’objet. Avant le XIIIe siècle, les historiens semblent savoir peu de choses sur les lieux. Ermitage, bâtiment civil, auberge ? On ne sait pas. En 1270, les templiers sont installés dans les murs. Je vous rappelle que nous sommes à la sortie de la ville, un ordre militaire a donc toute sa place ici. Bien sûr ce n’est pas le château des templiers de Ponferrada que je vous ai déjà fait visiter. On ignore depuis combien de temps exactement l’ordre est installé à San Polo. En 1312, l’ordre étant supprimé, que devient le monastère ? Dans ce cas de figure c’est le roi qui récupère la propriété durant un temps.


C’est finalement les hospitaliers de San Juan de Duero qui reprennent les lieux. Par la suite les murs de San polo changent régulièrement de propriétaire, parfois des laïcs. Au milieu du XVIIe siècle, il est envisagé d’y transférer les reliques de San Saturio, saint patron de la ville. Cela ne se fit pas, l’ermitage de San Saturio connut le glorieux destin qui en fait aujourd’hui, bien que plus éloigné de la ville, une attraction touristique et un lieu de pèlerinage. San Polo continua à passer de main en main. C’est entre autres pour le passage des processions de San Saturio qu’existerait l’arc qui fut percé, probablement au début du XVIIIe siècle. Les décennies passent, dans le dernier quart du siècle San Polo semble s’être dégradé. Par la suite la bâtisse connaît une série de modifications que des historiens ont pu retracer grâce à diverses archives. Le bâtiment restera toujours une propriété privée mais le XIXe n’est pas plus tendre, les sources parlent de différents usages, j’ai même vu évoquer le rôle de porcherie.


Pourtant les poètes vont trouver une certaine magie à San Polo. La poésie des ruines s’est installée ainsi qu’une certaine fascination pour le Moyen-âge au XIXe siècle. Nous l’avons déjà vu à travers certaines statues, Machado ou Gerardo Diego, Soria est le domaine des écrivains. Né en 1836, le Sevillan Gustavo Adolfo Bécquer mort à 34 ans, eut aussi le temps d’écrire sur la petite ville castillane. Marqué par le voyage qu’il y fit en 1860, il consacra différents textes à la localité, et épousa une jeune femme de la province. L’un de ses contes « El rayo de la Luna » prend place dans les ruines de San Polo. C’est ainsi que peu à peu San Polo s’ancre dans l’imaginaire alors que ses murs semblent destinés à disparaître. En 1912, dans son célèbre recueil Campos de Castilla, Antonio Machado mentionne aussi le monastère :

He vuelto a ver los álamos dorados,

álamos del camino en la ribera

del Duero, entre San Polo y San Saturio,

tras las murallas viejas

de Soria – barbacana

hacia Aragón, en castellana tierra –

 

Quand vous marcherez le long du Duero pour aller de San Polo à San Saturio, pensez au poète espagnol dont le cœur battait entre ces ruines. Le destin pourtant va reprendre son cours et offrir à la bâtisse une nouvelle jeunesse, quitte à lui faire perdre ses attributs religieux.  A partir de 1920, après une rénovation, San Polo devient une résidence estivale d’une famille madrilène. Un des fils, Julio Garcés, devient un poète, moins connu que les auteurs précédemment cités. Il rend hommage à ces étés de son enfance passés sur les rivages du Duero. Son recueil « Los poemas de San Polo » a connu une réédition pour le centenaire de sa naissance en 2019.  

A la fin des années 1940, le domaine est revendu à une autre famille qui en est toujours la propriétaire à l’heure où j’écris ces lignes, los Tomás Brieva. D’après différentes sources, ils ont à leur tour fait beaucoup de réhabilitation. Ceci ne semble jamais avoir cessé, on trouve encore dans les comptes rendus municipaux des années 2010 des mentions des travaux menés par les propriétaires pour maintenir la bonne santé de la bâtisse.   

J’ignore si un jour la visite des lieux sera possible, mais lors de votre escapade à Soria n’hésitez pas à vous arrêter quelques instants le long de la promenade et tentez de remonter le temps. On se rappelle que si la nationale surplombe aujourd’hui San Polo et son verger, il y a eut ici une halte où les voyageurs, les templiers et les poètes ont trouvé la quiétude du Duero. Profitez-en à votre tour avant de continuer votre promenade soit vers San Saturio, soit vers San Juan du Duero. La visite de ces trois lieux offre une belle parenthèse sur seulement 2 kilomètres. Le parking d’accès à la promenade se trouve à deux pas de San Polo, au milieu de ce circuit.

Belle découverte de  Soria.

En venant de San Juan de Duero vous emprunterez cette allée
qui coupe en deux le domaine de San Polo

 


Myriam « Modificaciones de San Polo » in conocesoria.com, le 10 octobre 2021

« Julio Garcés, el poeta de San Polo » in heraldodiariodesoria.es le 8 janvier 2019

 « Algo más sobre San Polo » in soria-goig.com

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