dimanche 16 novembre 2025

Monastère de las Comendadoras de Santiago : L'éclat retrouvé !

 


            Pour le troisième et dernier article de notre série d’automne sur les monastères, je vous emmène à Madrid. Si vous avez raté l’information, le blog intègre désormais la capitale. Lors de mon dernier voyage en Espagne, alors que je flânais dans les rues, je suis tombée sur une église à la façade flamboyante que je n’avais pas croisée dans les guides. Poussée par la curiosité, j’ai franchi la porte de la petite entrée, sans penser qu’une longue et passionnante visite m’attendait. Elle est ouverte au public depuis seulement quelques mois. Avant d’évoquer la réouverture des lieux et la magnifique restauration, remontons le temps pour découvrir l’histoire du monastère de las Comendadoras de Santiago el Mayor.


            A l’origine l’ordre de Santiago est avant tout un ordre militaire, né au XIIe siècle dans le cadre d’une Espagne où le pouvoir royal confie la protection de ses territoires sous menace musulmane à ces institutions. Les membres de l’ordre se répartissaient en plusieurs branches, dont les laïcs étaient autorisés à fonder une famille en se mariant. Au fil du temps, avec la fin de la Reconquista entre autres, le rôle de l’ordre changea et passa sous protection de la couronne, le souverain prenant la place de grand maître de l’ordre. Quand le projet du monastère naît, au XVIe siècle, l’ordre regroupe des nobles qui doivent montrer patte blanche pour y entrer. Parmi eux des femmes, pour qui on va faire construire le couvent des Comendadoras de Santiago que nous visitons aujourd’hui. Si elles n’ont pas de rôle guerrier, les femmes gèrent l’ordre et ses biens.

L'église qui a retrouvé son lustre d'autrefois

            C’est Philippe II qui pousse à la création de ce grand monastère à Madrid quand son ministre, Don Íñigo de Zapata y Cárdenas, chevalier de l’ordre lui-même, et sa femme effectuent un legs pour la création du couvent en 1584. Une telle bâtisse met du temps à se construire, on s’installe en attendant dans les bâtiments qui occupent les terrains déjà acquis. L’attente sera longue, puisque Manuel et José del Olmo s’attellent à la construction du couvent en 1667 après avoir remporté le concours qui devait désigner l’architecte. Ils s’inspirent directement de la basilique Saint Pierre de Rome pour l’église que l’on visite en fin de parcours touristique actuellement. Au XVIIIe siècle, le pouvoir royal commande une sacristie pour les chevaliers à Francisco Moradillo qu’il l’achève en 1753 après sept ans de chantier. Un quart de siècle plus tard, c’est l’architecte Sabatini, arrivé d’Italie avec le roi Charles III, qui continue à travailler le monastère et unifie les différentes parties.

Le Coro Bajo par lequel votre visite commence. 


            Pour commencer le XIXe siècle, le convent est donc enfin terminé et tout pourrait aller pour le mieux. C’est sans compter la saisie des biens de l’église qui vient frapper l’ordre en 1836 avec la desamortización, l’institution est fragilisée, le couvent de Madrid continue de fonctionner malgré tout. Quelques travaux sont menés et le couvent aspire à un siècle moins mouvementé quand 1900 s’annonce. Il n’en sera rien. En 1914, la sacristie perd ses couleurs, elle est entièrement blanchie à la chaux pour des raisons d’hygiène. A partir de 1915, les religieuses gèrent aussi un collège. La vie pourrait donc être assez paisible mais les terribles années de la guerre civile arrivent et ces murs vont avoir différents usages, ils seront prison jusqu’à être récupérés en 1941 par ses religieuses. En 1970, on classe le couvent bien d’intérêt culturel. Les comendadoras tiennent aussi une petite école mixte depuis 1960, toujours en service actuellement.

Il faut imaginer la sacristie des chevaliers entièrement blanche durant le XXe siècle

A la fin des années 1990, l’ordre et la communauté de Madrid se rendent compte qu’une restauration s’impose. A partir de l’an 2000, le complexe ferme ses portes pour une longue restauration qui va durer presque un quart de siècle. Des tableaux aux structures de l’église, tout va y passer. C’est durant ces années de travail, en 2007, qu’un séisme vient fragiliser l’église et fissurer les murs. C’est Emanuela Gambini, une architecte napolitaine, vivant à Madrid depuis des décennies, qui doit sauver les lieux. Spécialiste des restaurations dans toute l’Espagne, elle est largement reconnue dans son domaine. Si l’église est temporairement mise hors de danger, le dôme soutenu, rapidement les fonds manquent pour envisager la restauration immédiate. En 2011 des visites du chantier sont possibles pour le public et presque 2000 visiteurs vont se presser, en quelques mois, dans ces murs historiques. Le chantier sera ralenti pour des raisons financières et le convent reste presque continuellement fermé, sauf à de rares occasions comme en 2016. Une exposition d’aquarelles d’Anne d'Orléans doit alors permettre de récolter des fonds. Il faut attendre 2019 pour qu’une nouvelle phase du chantier commence.  




Quand l’ouverture du couvent se profile en 2024, le bâtiment a fait peau neuve. Charpente entièrement refaite, système électrique et chauffage enfin aux normes, couleurs d’origine retrouvées dans la sacristie. En octobre, la messe se tient à nouveau dans l’église. En 2025, le couvent ouvre désormais avec un circuit touristique complet, avec audio-guide compris dans différentes langues et en option supplémentaire une visite guidée, je n’ai pas testé cette dernière. Il est déjà particulièrement agréable et facile de profiter de la visite libre à son rythme avec le commentaire de l’audio-guide. (Ci-dessous la chapelle des filles)



    

Au printemps dernier, le couvent a aussi proposé un nouveau service en ouvrant une auberge pour les pèlerins du chemin, la seule de Madrid. 26 places sont désormais disponibles. Logiquement la capitale, via son aéroport, voit arriver près de 5 000 pèlerins chaque année qui partent pour Saint Jacques. Pour autant aucune auberge spécifiquement destinée à ce public n’existait dans la ville. Pour 12€ par nuit, ces voyageurs particuliers peuvent dormir au monastère.


Le dôme de l'église

Et le magnifique sol

C’était une visite imprévue dans mon programme de voyage, et pour cause l’ouverture est tellement récente qu’elle n’est pas encore dans beaucoup de guides et brochures touristiques. En juillet, lors de mon passage il n’y avait aucune file d’attente et j’étais seule la majeure partie de mon parcours. La visite peut paraître onéreuse, 10 € (hors tarifs réduits pour les jeunes et les seniors), mais je trouve qu’elle les vaut largement. Comptez une heure minimum pour explorer les lieux, mais prévoyez plutôt 1h30 au moins. N’hésitez pas à me faire part de votre ressenti en commentaire après cette visite.

On se retrouve bientôt pour un autre monastère que nous avons déjà visité mais qui méritait un nouvel article.

 

 

A lire pour aller plus loin :

BROUSSE Caroline, « L’ordre de Santiago, témoin et acteur d’une nouvelle classe nobiliaire dans les Espagnes des xve-xvie siècles » in Cahiers de la Méditerranée, 2018

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