Il
y un an environ, je faisais les courses de Noël. Sur l’étagère d’une librairie
nantaise, la Géothèque, particulièrement bien fournie en récits de voyage, je
dénichais un livre d’un certain Laurie Lee. Le petit objet ne payait pas de
mine, même si la couverture m’intriguait un peu. C’était, semblait-il, les
souvenirs d’un jeune britannique sur les routes de l’Espagne. A la lecture du
résumé l’ouvrage me semblait assez intéressant, il rejoignit donc ma hotte de
Père Noël. Une fois offert à un membre de ma famille je l’oubliais. Il y a
quelques temps il est retombé dans mes mains. Il me vint l’envie de partir
vagabonder dans ses pages.
Ce petit roman autobiographique est
le deuxième d’une trilogie d’un jeune gallois, Laurie Lee, né en 1914. Quand je
l’ai offert j’ignorais qu’il existait un premier tome, que je n’ai toujours pas
lu. Ses ouvrages ont néanmoins une certaine indépendance qui permet la lecture
désordonnée. Lee a la vingtaine quand il décide de partir découvrir l’Europe
avec son violon pour tout bagage. Le hasard finira par le pousser sur les
routes de la péninsule ibérique. Dans le cadre de ce blog, l’intérêt du récit
de Lee est double. D’une part il porte un regard de « touriste », comme
moi, sur les régions qu’il traverse. Ceci inclut donc un point de vue
extérieur, un biais culturel, et une ignorance certaine de l’histoire du
pays. D’autre part Lee nous raconte une
Espagne prête à basculer dans la guerre civile. Nous sommes en 1935-1936, le
jeune violoniste ignore encore qu’il reviendra plus tard avec les brigades
internationales, mais déjà il dessine le portrait d’une société pauvre, excédée
et rêveuse.
L’itinérance de Lee nous permet de
redécouvrir la Castilla y León, au travers de quatre villes principalement. La
première d’entre elles est Zamora (p.71). Il nous en apprend assez peu sur
la ville, néanmoins le voyageur qui l’a parcourue aujourd’hui pourra tout de
même se projeter sur la place principale où arrive notre personnage assoiffé. L’étape
suivante est Toro (p.90) qui est assez amusante car, par bien des aspects, elle
me rappelle quelques-unes des observations que j’ai pu moi-même faire en
Espagne. Ainsi il s’étonne des robes du dimanche des petites filles largement
désuètes par rapport à la mode anglaise. Aujourd’hui encore ce décalage dans la
mode des tenues enfantines du dimanche est notable entre la France et
l’Espagne. L’étape de Toro m’a particulièrement plu puisque j’ai découvert la
ville cette année. Je me félicite pour l’étape suivante de ne pas avoir lu
cette description avant de la découvrir. Valladolid (p. 101) est là présentée
dans ses pires haillons. Jamais ville n’apparaît plus rongée par l’ennui et la
misère qu’elle dans les pages de Lee. Elle transpire la folie maladive. J’ignore
si Lee est retourné à Valladolid, en 1969 quand il écrit ces lignes il dit ne
pas y avoir remis les pieds. En lisant ces mots on mesure l’état de l’Espagne,
et le chemin parcouru par des villes comme Valladolid. Dernière étape
importante du périple castillan, Ségovie (p.126), dont Lee est surtout frappé
par l’aqueduc. Il semble décidément que la ville ne soit parfois que ça. Ce qui
est amusant de relever c’est que le jeune britannique témoigne des constructions
encore appuyées à l’aqueduc. C’est le cas de l’auberge où il réside lors de ce
court séjour. Il assiste aussi à la projection d’un film en plein air, ceci n’est
pas sans me rappeler les initiatives qui peuvent être présentées à la Casa
museo Machado. Il s’agissait, pour des intellectuels de l’époque d’offrir la
culture à tous, via des cours, des films, des accès facilités aux livres. En
bon touriste, Lee fait un détour par la Granja, dont il ne visite que les
jardins. Les lieux ne semblent pas le transcender, il les compare à Versailles,
comme tout le monde. A-t-il visité le château français plus tard dans son existence ?
Peu importe, le jeune gallois se laisse porter par ce premier voyage et ses
découvertes qu’il livre en partie avec son regard de l’époque mais aussi avec
le recul de l’homme qui écrit trente ans après les faits.
La suite de son périple est aussi
instructive, mais je ne la détaillerai pas car il sort des frontières du blog.
Le périple qu’il a entrepris le mènera en Andalousie, à Séville, à Cadix, à
Malaga. C’est dans cette région que Lee vivra le début de la guerre d’Espagne,
ses espoirs et le début des violences. Ce témoignage d’un homme du peuple, mais
étranger au pays, offre un récit qui, loin d’être non-partisan, souligne des
contradictions et des particularités des prémices de cette guerre civile.
Lire ce deuxième tome de l’autobiographie
de Laurie Lee, c’est prendre la route d’une Espagne disparue. Les raisons ne
manquent pas de s’attaquer à cette lecture. Laurie Lee nous offre non seulement
un voyage, de son pays de Galles natal à Londres puis en Espagne, mais il nous
offre un vrai voyage initiatique. On croise dans ces pages une galerie de personnages
hauts en couleurs, du vagabond à l’homme de lettres reconnu. D’une écriture
agréable ce petit ouvrage ne vous donne qu’une envie, lire la suite. Ce livre
est une promesse pour les voyageurs aguerris, pour les rêveurs, pour les
passionnés de littérature anglaise, pour les amoureux de l’Espagne : celle
d’une lecture que votre vécu rendra à coup sûr très personnelle.
Bonne
lecture.
LEE Laurie, Un beau matin d'été, Libretto, 9,75€
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