jeudi 8 novembre 2018

Voyage au fil des pages : Un beau matin d'été




Il y un an environ, je faisais les courses de Noël. Sur l’étagère d’une librairie nantaise, la Géothèque, particulièrement bien fournie en récits de voyage, je dénichais un livre d’un certain Laurie Lee. Le petit objet ne payait pas de mine, même si la couverture m’intriguait un peu. C’était, semblait-il, les souvenirs d’un jeune britannique sur les routes de l’Espagne. A la lecture du résumé l’ouvrage me semblait assez intéressant, il rejoignit donc ma hotte de Père Noël. Une fois offert à un membre de ma famille je l’oubliais. Il y a quelques temps il est retombé dans mes mains. Il me vint l’envie de partir vagabonder dans ses pages.

            Ce petit roman autobiographique est le deuxième d’une trilogie d’un jeune gallois, Laurie Lee, né en 1914. Quand je l’ai offert j’ignorais qu’il existait un premier tome, que je n’ai toujours pas lu. Ses ouvrages ont néanmoins une certaine indépendance qui permet la lecture désordonnée. Lee a la vingtaine quand il décide de partir découvrir l’Europe avec son violon pour tout bagage. Le hasard finira par le pousser sur les routes de la péninsule ibérique. Dans le cadre de ce blog, l’intérêt du récit de Lee est double. D’une part il porte un regard de « touriste », comme moi, sur les régions qu’il traverse. Ceci inclut donc un point de vue extérieur, un biais culturel, et une ignorance certaine de l’histoire du pays.  D’autre part Lee nous raconte une Espagne prête à basculer dans la guerre civile. Nous sommes en 1935-1936, le jeune violoniste ignore encore qu’il reviendra plus tard avec les brigades internationales, mais déjà il dessine le portrait d’une société pauvre, excédée et rêveuse.
            L’itinérance de Lee nous permet de redécouvrir la Castilla y León, au travers de quatre villes principalement. La première d’entre elles est Zamora (p.71). Il nous en apprend assez peu sur la ville, néanmoins le voyageur qui l’a parcourue aujourd’hui pourra tout de même se projeter sur la place principale où arrive notre personnage assoiffé. L’étape suivante est Toro (p.90) qui est assez amusante car, par bien des aspects, elle me rappelle quelques-unes des observations que j’ai pu moi-même faire en Espagne. Ainsi il s’étonne des robes du dimanche des petites filles largement désuètes par rapport à la mode anglaise. Aujourd’hui encore ce décalage dans la mode des tenues enfantines du dimanche est notable entre la France et l’Espagne. L’étape de Toro m’a particulièrement plu puisque j’ai découvert la ville cette année. Je me félicite pour l’étape suivante de ne pas avoir lu cette description avant de la découvrir. Valladolid (p. 101) est là présentée dans ses pires haillons. Jamais ville n’apparaît plus rongée par l’ennui et la misère qu’elle dans les pages de Lee. Elle transpire la folie maladive. J’ignore si Lee est retourné à Valladolid, en 1969 quand il écrit ces lignes il dit ne pas y avoir remis les pieds. En lisant ces mots on mesure l’état de l’Espagne, et le chemin parcouru par des villes comme Valladolid. Dernière étape importante du périple castillan, Ségovie (p.126), dont Lee est surtout frappé par l’aqueduc. Il semble décidément que la ville ne soit parfois que ça. Ce qui est amusant de relever c’est que le jeune britannique témoigne des constructions encore appuyées à l’aqueduc. C’est le cas de l’auberge où il réside lors de ce court séjour. Il assiste aussi à la projection d’un film en plein air, ceci n’est pas sans me rappeler les initiatives qui peuvent être présentées à la Casa museo Machado. Il s’agissait, pour des intellectuels de l’époque d’offrir la culture à tous, via des cours, des films, des accès facilités aux livres. En bon touriste, Lee fait un détour par la Granja, dont il ne visite que les jardins. Les lieux ne semblent pas le transcender, il les compare à Versailles, comme tout le monde. A-t-il visité le château français plus tard dans son existence ? Peu importe, le jeune gallois se laisse porter par ce premier voyage et ses découvertes qu’il livre en partie avec son regard de l’époque mais aussi avec le recul de l’homme qui écrit trente ans après les faits.
            La suite de son périple est aussi instructive, mais je ne la détaillerai pas car il sort des frontières du blog. Le périple qu’il a entrepris le mènera en Andalousie, à Séville, à Cadix, à Malaga. C’est dans cette région que Lee vivra le début de la guerre d’Espagne, ses espoirs et le début des violences. Ce témoignage d’un homme du peuple, mais étranger au pays, offre un récit qui, loin d’être non-partisan, souligne des contradictions et des particularités des prémices de cette guerre civile.
            Lire ce deuxième tome de l’autobiographie de Laurie Lee, c’est prendre la route d’une Espagne disparue. Les raisons ne manquent pas de s’attaquer à cette lecture. Laurie Lee nous offre non seulement un voyage, de son pays de Galles natal à Londres puis en Espagne, mais il nous offre un vrai voyage initiatique. On croise dans ces pages une galerie de personnages hauts en couleurs, du vagabond à l’homme de lettres reconnu. D’une écriture agréable ce petit ouvrage ne vous donne qu’une envie, lire la suite. Ce livre est une promesse pour les voyageurs aguerris, pour les rêveurs, pour les passionnés de littérature anglaise, pour les amoureux de l’Espagne : celle d’une lecture que votre vécu rendra à coup sûr très personnelle.
Bonne lecture.  

LEE Laurie, Un beau matin d'été, Libretto, 9,75€

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