mercredi 1 novembre 2023

El torreón de Lozoya : Un trésor culturel réinventé



            Nous avons clos notre série sur les statues avec une étape à Zamora. Partons pour ce nouvel article à l’autre bout de la région ; nous voici à Ségovie. J’ai redécouvert furtivement la ville cette année. Depuis ma première rencontre avec Ségovie, je suis tantôt séduite, tantôt déçue. Je vais vous proposer une visite qui m’a agréablement surprise cette année. Il faut de bonnes jambes pour flâner dans la ville, il vous faudra encore plus de courage pour cette visite, puisque nous allons nous élever au-dessus des monuments. Nous voici sur la place San Martin dont l’église centrale a déjà fait l’objet d’un article. Nous allons tourner le dos à l’édifice et lever les yeux vers la tour qui domine les passants : le Torreón de Lozoya.



            Ça commence mal, je ne sais pas trop à quelle époque remonter pour débuter ce récit et vous conter les premiers pas de ce palais-tour. En effet, les historiens n’arrivent pas à se mettre d’accord, non pas sur une date précise, mais sur le siècle. Ce n’est pas moi qui vais trancher aujourd’hui, certains remontent son existence au plus tôt au XIVe siècle, les plus tardifs au XVIe siècle. La fondation qui gère actuellement les lieux offre une page très complète avec les différents arguments pour telle ou telle époque, je vous invite à la visiter. L’histoire du palais et surtout de l’enchaînement de ses propriétaires est mieux connue à partir du XVIe siècle. C’est à ce moment que s’exprime aussi la plus grande réforme architecturale du bâtiment, chaque maître des lieux laissant sa marque. Le palais-forteresse, dont la tour est le souvenir le plus visible, s’ouvre à d’autres fonctions. Les propriétaires qui s’y installent, appartiennent au cercle restreint qui sert le roi, secrétaires ou cardinaux par exemple. La propriété s’étend et on construit ou on aménage de nouveaux espaces, un patio par exemple. Contrairement à certains palais déjà présentés sur le blog, il ne cesse de changer de mains et de familles. Ce n’est qu’en 1706 que la bâtisse tombe dans l’escarcelle des marquis de Lozoya, dont elle a conservé le nom. C’est un titre alors très récent puisqu’il n’a été créé par Charles II qu’en 1686. Le palais restera dans la famille jusqu’à la fin du XIXe siècle avant que des dispositions testamentaires ne l’écartent du patrimoine lié au titre né deux-cents ans plutôt.  C’est finalement en 1910 que le lieu cesse d’être une demeure privée.



             En 1919, el torreon Lozoya est transformé en internat par les frères maristes qui depuis un an se sont implantés en ville. S’ils ont en premier lieu proposé des écoles populaires et gratuites, la location de l’ancienne demeure Lozoya couvre une autre partie de l’activité de la congrégation. Ici une école payante va s’installer dans ces murs durant dix ans. Plus tard, les lieux deviendront collège militaire. On trouve assez peu d'informations sur cette époque, aussi bien lors de la visite que sur internet.



            C’est dans les années 1960 que la tour croise le chemin de la Caja de Ahorros et du Mont-de-Piété de la ville. Sur cette institution de Ségovie, il me faudrait faire un article complet. Cette caisse d’épargne existe depuis 1876 et s’engage alors dans de nombreux domaines caritatifs. Une partie du musée aujourd’hui installé dans les murs de la demeure Lozoya vous raconte cette histoire illustrée par de nombreux objets gardés par les coffres du Mont de Piété. Ne brûlons pas les étapes, revenons en 1968 quand le projet de restauration des lieux est confié à l’architecte Joaquín Vaquero Palacios. Natif d’Oviedo, il a alors soixante-huit ans et a beaucoup œuvré dans le nord de l’Espagne. J’ai eu l’occasion de visiter certaines de ses réalisations comme son marché de Saint Jacques de Compostelle.  L’objectif de la Caja de Ahorros est d’avoir un bâtiment dans le centre-ville pour de futures activités sociales et culturelles. Cela pourtant, au début des années 1970, est encore un projet balbutiant, l’objectif premier qui est affiché est de sauver la bâtisse.

            Rapidement les lieux vont être utilisés pour des expositions culturelles temporaires, soit prêtées pas les ministères, soit conçues directement sur place. Il faut attendre 1974 pour que de grands espaces puissent accueillir des rendez-vous plus ambitieux avec différentes institutions comme la Casa Velasquez ou, plus tard, le musée de la Reina Sofia. Dans les années 1990, des cycles voués à la musique prennent place avec des concerts dans le patio pour mettre à l’honneur un grand panel de culture au fil des années.     


Des pièce très variées comme ce buste de l'infante Isabelle

Détail de la miniature du monument au 2 de Mayo,
aujourd'hui visible devant l'Alcazar.

            En 2012, l’entité en charge de la gestion du centre d’exposition change. La banque d’origine ayant fermé ses portes, il faut trouver une solution. La fondation est créée mais ce n’est qu’en 2022 qu’elle perdra son nom de Caja de Segovia pour prendre le nom de Fondation del Torreon Lozoya que nous lui connaissons actuellement. Avant d’en arriver là, il a fallu un long processus car les liens avec l’histoire de la banque avaient laissé quelques problèmes. Ainsi le bâtiment ayant été hypothéqué, il fallait remettre au clair une situation qui ne pouvait être que source de polémiques et de controverses. Durant cinq ans, la jeune fondation est restée pieds et poings liés par ce prêt bancaire. En 2017, un accord est finalement trouvé, même si celui-ci sera contesté par certains.



            La fondation se lance alors un nouveau défi, ouvrir un musée avec une grande collection permanente. Il faut donner un nouveau souffle à ce monument qui veut devenir une attraction incontournable de Ségovie en s’affirmant comme un pilier d’une triade touristique Alacazar-Cathédrale-Torreón. A l’automne 2021, le nouveau musée ouvre ses portes avec 17 salles et presque 1000 œuvres. L’investissement est un pari, il faut que le musée fonctionne rapidement pour trouver une nouvelle source de revenus. Si j’ai particulièrement apprécié les salles consacrées à l’histoire du Mont de piété local et celles présentant les réalisations du XIXe siècle, il y en a pour tous les goûts. Le fil rouge de la visite est avant tout la ville, personnage de certaines œuvres, et ses artistes nés entre ses murs. La muséographie est un drôle de labyrinthe dans lequel il faut accepter de se perdre. 



            Enfin la grande nouveauté est l’ouverture de la tour en septembre 2021, en même temps que l’inauguration du musée. Comme je vous l’annonçais, il faut un peu de courage pour monter là-haut si vous avez déjà des kilomètres de montée dans les rues pentues de la ville. C’est une vue singulière sur Ségovie qui vous attend là-haut. Des supports vous permettent de repérer les différents bâtiments. C’est le clou d’une visite qui vous aura imprégné de l’histoire de la ville.  


Une belle salle vous attend en haut, un vrai mirador sur la ville.


Les caves ne sont pas non plus à oublier, ici d'autres salles vous attendent


            Je n’étais pas revenue à Ségovie depuis 2017, j’ai donc découvert ce musée seulement en 2023. J’ai dormis, lors de mes premiers voyages en Castille, à l’hôtel Las Sirenas, juste en face de la tour. Je n’ai jamais soupçonné qu’il y avait de si belles salles d’exposition entre ces murs. Aujourd’hui, même avec l’ouverture du musée, il me semble que les lieux manquent quelque peu de visibilité. Je ne peux que vous conseiller cette étape lors de votre passage dans la ville surtout si vous appréciez les arts picturaux. Si vous êtes amateur de l’histoire de la localité cette visite se marie à merveille avec celle du musée provincial non loin de là.

            Bonne visite de Ségovie. 






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