Je vous propose une dernière statue pour clore ce cycle de quatre articles consacrés à des représentations de figures locales. Nous allons conclure avec une personnalité qui ne sera pas sans rappeler l’article sur Santa Bonifacia que j’avais publié l’année passée. Bien que les deux femmes n’œuvrent pas au même siècle, vous trouverez dans leur parcours de nombreux points communs. Je vous retrouve à Zamora, calle Damas, à deux pas du musée ethnographique. Nous somme, entre des places de parking, face à un buste qu’on pourrait croire oublié. On y identifie immédiatement le personnage central comme une religieuse encadrée par deux enfants. Une sobre inscription indique qu’il s’agit de Sœur Ignacia Idoate Iragui. Rien d’autre pour expliquer la présence de cette statue.
Pour comprendre le parcours
particulier de cette femme, il faut se rendre dans la campagne de Pampelune à Oricáin.
C’est ici que naît Ignacia en 1900, fille unique d'une famille de propriétaire
terrien. Après des études dans une école tenue par des religieuses à une
cinquantaine de kilomètres de son village natal, elle choisit de rejoindre les
ordres. Ses parents ne l’entendent pas de cette oreille puisqu’il s’agit de
leur seul enfant. Néanmoins leur fille ne cède pas et parvient à intégrer les
Filles de la Charité. Nous sommes en 1919, la jeune religieuse est alors
envoyée à Zamora où la communauté est installée depuis 1860. La jeune femme ne
reviendra jamais vivre en Navarre.
Il y a, dans la ville castillane, un
important hospice où Ignacia participe à l’accueil des enfants abandonnés. Elle
s’inscrit ainsi dans la longue tradition de l’hospice de Nuestra Señora del
Tránsito, qui existe à Zamora depuis la fin du XVIIIe siècle. Longtemps
l’institution fut installée dans un bâtiment dont je vous ai déjà parlé, le grand palais où est aujourd’hui
placé le Parador de tourisme. De la vie de Sœur Ignacia avant et durant la guerre civile, j’ai trouvé peu de choses, avançons donc dans le temps.
Progressivement Ignacia prend de l’importance, à 41 ans elle devient la supérieure de la petite communauté de Zamora. Les années 1940 sont particulièrement difficiles, elles suivent une guerre qui a déchiré le pays. Ignacia cherche donc un moyen de ne pas reposer sur une charité trop aléatoire. Elle décide d’ouvrir une fabrique d’espadrilles en 1947. Il ne s’agit pas, en premier lieu, de vendre mais de chausser les enfants à charge de l’hospice. L’institution n’a en effet pas les moyens d’acheter régulièrement des chaussures. Cela permet aussi de garder les jeunes filles normalement trop âgées pour rester à la charge de l’hospice. Elles se forment ainsi à un métier et on peut leur fournir un emploi. Les autorités apprécient ces initiatives et soutiennent la religieuse quand elle ajoute de nouvelles activités de confection vestimentaire, de broderie et, plus tard, de cordonnerie ou de mécanique quand un autre centre ouvre pour les garçons. La liste des activités n’est pas exhaustive tant celles-ci deviennent variées.
L’institution de Zamora va bientôt devenir un modèle et d’autres centres bâtis sur le même fonctionnement ouvrent dans tout le pays. L’impulsion donnée dans la ville pousse la région à soutenir l’ouverture d’un nouveau collège pour 400 élèves en 1960. Une institution pour les sourds-muets sera aussi construite un an plus tard. Les exigences changent et Ignacia voit bientôt son œuvre quitter les murs du vieux palais. En 1973 les services sont répartis entre de nouveaux bâtiments à Zamora et à Toro. En 1975, Ignacia part à Madrid où elle ne vivra que deux mois d’été ; elle décède en septembre. Logiquement, son corps est ramené dans la ville à qui elle a tout donné, sa chère Zamora.
La ville a multiplié les hommages à
cette femme qui avait consacré sa vie aux plus démunis. En 2000, on confie à Antonio
Pedrero Yéboles, natif de Zamora, la réalisation de la statue que nous admirons
aujourd’hui. On lui doit une autre sculpture, déjà présentée sur le blog : El
Merlu. Il a aussi
réalisé certains éléments pour un paso de la Semaine Sainte que vous pouvez
admirer au musée consacré à cette grande fête. D’après les informations que j’ai
pu trouver, le coût de la statue d’Ignacia fut en grande partie couvert par Iberdrola.
Zamora rend un discret hommage à une
femme qui a largement œuvré pour les habitants. Aujourd’hui, encore, certaines
institutions descendent de l’œuvre des Filles de la charité et en particulier
du travail de Sœur Ignacia. Soyez attentif lors de vos visites à ces petites statues, parfois oubliées des touristes, elles ont pourtant beaucoup à dire si
vous les laissez piquer votre curiosité.
Bonne promenade.
A lire :
GIL Carlos, « La
familia más grande » in laopiniondezamora.es
le 30 novembre 2009
(DE) QUESADA José Ignacio, « Sor
Ignacia, la monja navarra que tiene una calle y una estatua en el centro de
Zamora » in navarra.okdiario.com le 4 août 2023.
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