lundi 8 août 2022

Bonifacia, conjuguer ensemble artisanat, vocation religieuse et solidarité

 


            Nous allons rouvrir le blog avec un article sur une statue, ça ne surprendra guère les plus assidus de mes lecteurs. Nous allons nous égarer dans les rues de Salamanque pour cette découverte. Je vous l’accorde ce n’est pas la plus belle des œuvres que je vous ai présentée mais elle met en scène une sainte dont c’est la fête aujourd’hui. Pas question de faire l’impasse sur l’histoire de Sainte Bonifacia, une célébrité de plus dont Salamanca aime bien s’enorgueillir.

            Il faut remonter à 1837, année de naissance de Bonifacia pour comprendre son histoire. Elle voit le jour durant cette première moitié du XIXe, alors que le règne d’Isabelle II vient juste de commencer. L’Espagne change et le rapport à l’institution ecclésiastique aussi, déjà la loi de Mendizabal est passée par là, et cette année 1837 est marquée par la suppression de la dîme. La vie et les mentalités se transforment dans les grandes villes. Bonifacia est née dans le milieu des artisans de Salamanque, va bientôt y travailler et même s’y faire un nom. Elle, qui est née dans une petite rue derrière l’Université, est l’aînée d'une famille de six enfants. Elle travaille tôt et doit, dès quinze ans, gagner sa vie puisqu’elle se retrouve privée de son père qui vient de décéder. Peu importe, la jeune femme décide bientôt de travailler à son compte dans cet art qu’elle maîtrise particulièrement bien : la passementerie. Dans l’atelier de Bonifacia de nombreuses femmes se croisent et discutent, trouvent parfois dans ces réunions informelles du réconfort dans un monde du travail très rude. C’est ici que sont jetées les bases de ce qui deviendra une fondation religieuse, mais ne brûlons pas les étapes.

La religion justement, la jeune femme pense à y consacrer sa vie et en parle aux religieux de son entourage. Si elle pense un temps rejoindre le convent de las Duenas, son chemin croise celui d’un jésuite, Butinyà i Hospital qui va l’inciter à fonder une nouvelle institution. Avec six autres femmes de son atelier, elle fonde la congrégation des Servantes de Saint Joseph. C’est ainsi qu’elle va lier son souhait d’entrer en religion et son travail dans le monde artisan. Son institution va en effet se concentrer sur l’accueil des femmes ayant besoin de soutien et d’un emploi. Les religieux voient d’un bon œil cette fondation dont ils espèrent qu’elle éloignera certaines femmes du recours à la prostitution pour survivre. Ainsi naît officiellement l’atelier de Nazareth en 1874. Salamanque pourtant s’apprête à connaître de grands bouleversements, la Restauration entre autres. Les soutiens jésuites qui avaient été présents à la fondation de l’atelier vont, pour certains, être exilés. Malgré tout la congrégation va essaimer en Espagne, jusqu’en Catalogne où Bonifacia aura l’occasion de se rendre dans les années 1880. Ces absences fragilisent sa position et, ayant perdu ses alliés à Salamanque, elle ne sera plus à la tête des Servantes de Saint Joseph, destituée par le clergé de la ville. Ici on veut réformer cette institution qui semble hors des cadres habituels où les femme

C’est un moment très difficile dans la vie de Bonifacia qui quitte alors sa ville natale pour se rendre à Zamora et fonder une nouvelle maison. Oubliée par la ville de Salamanque, elle passera plus de vingt ans dans cette nouvelle fondation, continuant son travail. C’est là qu’en 1901 elle apprend que la congrégation qu’elle a fondée pour aider les femmes les plus modestes obtient la précieuse approbation pontificale. Pour autant la fondatrice ne pourra rentrer dans sa ville, les portes de la maison mère resteront, littéralement fermées à sa personne. Elle meurt à Zamora le 8 août 1905 sans avoir pu revenir vivre à Salamanca, où son corps est finalement transporté et inhumé. C’est à Zamora que s’ouvrira le procès pour canonisation de l’enfant de Salamanque. Elle sera canonisée en 2011, s’inscrivant dans la lignée des saints ouvriers. Il existe un projet qui viserait à faire d’elle la patronne des travailleuses, j’ignore où en est la démarche.   

La maison occupée par la congrégation des Servantes de Saint Jospeh existe toujours à Salamanque, elle peut se visiter. Vous pouvez retrouver mon article de 2014 sur cette visite dans les archives du blog. 



En 2014 justement, Salamanca rend hommage à Bonifacia en érigeant une statue à son image. Installée sur la Grand Via de la ville, boulevard très passant qui fait tout le tour du centre historique, on pourrait se dire que la sainte a été reléguée dans un endroit bien peu approprié. Pourtant c’est de là qu’elle contemple le mieux son œuvre. Les Servantes de Saint Joseph ont prospéré dans la ville natale de la fondatrice et même au-delà. En face de la statue se dresse l’immense collège qu’elles ont créé. Pour marquer le lien de la sainte avec le travail manuel, elle est représentée avec un rouet. L’œuvre de Maria Salud Parada Morollón rappelle donc l’existence de cette native de Salamanque, femme ancrée dans son époque ayant réussi à conjuguer sa vocation religieuse et les nouveaux besoins d’une société du XIXe en pleine mutation. Cette statue raconte une autre Salamanque, celle du commerce et de l’industrie, aujourd’hui presque disparue. Vous pouvez poursuivre la découverte de cette facette de la ville au musée du commerce et de l'industrie.

Bonne promenade dans les rues de Salamanque.

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