Cela fait un moment que je n’avais pas proposé ici une critique sur un ouvrage. La rubrique « Voyage au fil des pages… » n’a pas été mise à l’honneur depuis mars, où je vous proposais des lectures pour les plus jeunes. Aujourd’hui on change de registre avec un ouvrage intitulé L’Espagne de Philippe II, un livre passionnant de Joseph Perez. J’avais à vrai dire, dans une autre édition, parcouru et lu quelques passages pour la rédaction de l’article « Philippe II, roi architecte ? », mais je cultivais depuis un moment l’envie de le lire en entier. C’est désormais chose faîte.
Statue de Philippe II dans la Real Casa de la Moneda à Segovia |
Rentrons
maintenant dans le vif du sujet. Qu’on se le dise, ce livre n’est pas une
biographie du roi, mais plutôt un portrait de son royaume. Je recommande avant
la lecture de cet ouvrage, si vous en avez la possibilité, de lire le Charles Quint du même auteur mais dans
une collection plus accessible au grand public, les découvertes de Gallimard.
En effet le livre du jour demande une bonne culture historique avant d’entamer
sa lecture.
La
première partie « La monarchie espagnole », nous éclaire de façon précise
et accessible sur les rouages du pouvoir du XVIe siècle. On y comprend les
profondes mutations qui empêchèrent le règne de Philippe d’être aussi brillant
que celui de son père. Les deux hommes ne se ressemblent pas, Charles
Quint a fait donner à son fils une
éducation de prince humaniste, lui qui pourtant vivait dans le mythe de la
chevalerie. Mais c’est aussi une affaire de circonstance qui change la conduite
du souverain par rapport à son prédécesseur. Ce portrait politique de l’Espagne
dressée, l’auteur le combine à son sujet, à savoir le roi, il revient sur sa
formation et ses premiers défis, sa vie de prince proprement dite et le rôle
politique qu’il détient avant l’abdication de son père. Les bases sont jetées, le
lecteur a donc la jeunesse de Philippe II, clef en main, et peu embarqué pour la
suite plus complexe.
S’ensuit la
deuxième partie, intitulée « le virage idéologique ». un passage assez
long sur les luttes et les problèmes religieux qui secouent le pouvoir et tout
le territoire. A priori ce fut pour moi le passage le plus long et le plus
complexe, je ne peux pas vous inciter à l’éviter, il est essentiel, mais à le
lire sans vous presser. Du point de vue du lecteur français, on s’étonnera de
la crise protestante qui est longuement évoquée, mais que nous méconnaissons
souvent de notre côté de la frontière, croyant presque qu'elle nous est réservée.
L’évocation des problèmes avec les juifs m’a interpellée puisque j’avais
découvert cet été des monuments en lien plus ou moins étroit avec cette période
à Ségovie. La partie qui suit sur la construction de l’Escorial, que jeconnaissais déjà, fut un vrai bol d’air, il me semble qu’elle peut être lue
pour elle seule. On y comprend l’importance du monument mais on y fait aussi tomber quelques mythes.
Le quatrième
chapitre « 1568, l’année terrible », s’attarde sur une période plus
sombre du règne, et explique les scandales qui ont terni l’image du roi. On y
parle des révoltes plus ou moins lointaines que Philippe II dut affronter, avec
des succès, quand il y en eu, plus que mitigés. Le chapitre se termine par un
sujet autour duquel l’auteur a habilement maintenu le suspens jusque-là en ne
l’évoquant qu’à demi-mots dans les parties précédentes : La mort mystérieuse
de Don Carlos, fils et héritier de Philippe II. Après lecture de ce chapitre,
on en vient presque à ce féliciter que la grande faucheuse lui ait évité de
régner. Je n’en dis pas plus pour maintenir l’envie que vous pourriez avoir
d’ouvrir l’ouvrage ne serait-ce que pour ce seul sous chapitre. On enchaîne sur
l’avant dernier chapitre, « l’impérialisme » qui revient lui sur les
relations diplomatiques avec les voisins, vous rencontrez le roi du Portugal, Sébastien
qui, c’est sûr, est aussi sain d’esprit que son cousin Don Carlos. C’est aussi
un chapitre qui revient sur quelques désastres militaires et diplomatiques qui
annoncent la légende noire qui poursuivra la mémoire du roi.
Enfin l’ultime
chapitre donne à voir un triste portrait des dernières années de règne du fils
de Charles Quint, où il cumule échecs, défaites et troubles dans son pays. Son
corps aussi le dessert, il finira dans des conditions physiques désespérées,
terriblement handicapé, incapable de se déplacer seul. Il quittera ce monde
inquiet de laisser un héritier manipulable, son fils Philippe, et un royaume
instable et appauvri. Cette partie laisse à voir au lecteur le ressenti des
contemporains et la comparaison avec la fin du règne de l’empereur Charles
Quint peut se faire, qui avait peut-être eu la sagesse d’abdiquer. La
conclusion reprend les grands lignes du livre et pose des interrogations
supplémentaires tout en soulignant habilement le glissement qui fera bientôt de
la France la remplaçante de l’Espagne dans bien des domaines, mode, culture et puissance.
400 pages après
avoir commencé ce livre, dont je dois avouer que la lecture a parfois été
laborieuse, je suis rassasiée pour un moment d’histoire moderne espagnole.
Lecture laborieuse disais-je ? Pourtant le style est agréable, je pense
que ce ressenti vient plutôt des conditions de lecture, j’ai lu l’ouvrage de
façon morcelée sur une période de deux mois, et je perdais donc parfois le fil.
Mais, vous en conviendrez, il ne tient qu’à moi de mieux organiser ma lecture.
Je remarque néanmoins que l’ouvrage fait parfois preuve de répétitions, et dans
la conclusion l’auteur doit s’en rendre compte puisqu’il se s’en obligé à
propos d’un fait dont il a déjà parlé de dire « nous l’avons dit, mais il
faut y insister ». On recroise parfois les mêmes faits plusieurs fois, ici
mentionnés dans leur grandes lignes et deux cents pages plus loin largement détaillés.
Excepté ce défaut, j’ai trouvé le livre très intéressant bien qu’un peu
dispersé, mais j’avais déjà mentionné ce problème avec cet auteur dans une
précédente critique. Pour les mordus de l’Espagne et de son histoire c’est
vraiment un très bon ouvrage. Et pour les historiens voyageurs une bonne façon
de prolonger l’escapade après un séjour en Espagne, en particulier en Castille
régulièrement évoquée dans l’ouvrage.
J’espère que
cette critique poussera certains d’entre vous à emprunter ou à acheter cet
ouvrage et surtout n’hésitez pas à m’écrire pour me donner votre ressenti après lecture.
Les références :
PEREZ Joseph L'Espagne de Philippe II, Edition Fayard, 2013 - 10€
Les références :
PEREZ Joseph L'Espagne de Philippe II, Edition Fayard, 2013 - 10€
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