Je vous propose de commencer une
série qui se penche sur les grands monuments religieux de la région qui ont vu
le jour ou ont connu un renouveau grâce à une volonté royale. La première étape de ce circuit s’inscrit
dans la rubrique « A deux pas de la Castilla y Leon » puisqu’il faut
passer la frontière qui sépare la région de l’Estremadure au niveau de la
Sierra de Gredos. Je vous propose de découvrir un monastère qui doit sa
célébrité à Charles Quint, dont il fut la dernière demeure, direction
Yuste ! (Les photos sont interdites à l’intérieur durant la visite ce qui explique la pauvreté de l'article dans ce domaine)
Si nous connaissons bien les grands
ordres religieux comme les jésuites, les bénédictins, les carmélites, les
dominicains, il existe une multitude d’ordres de plus petite envergure. Les
hiéronymites sont de ceux-ci, appartenant à l’Ordre de Saint-Jérôme né au XIVe
siècle, ces moines sont implantés en Espagne. Un petit groupe de moines s’installe au XVe siècle dans la région de Yuste, d’abord dans un ermitage.
Suite à un conflit avec l’évêque local ce groupe indépendant rejoint l’ordre de
Saint Jérôme, pour assurer la pérennité de leur communauté.
Le monastère a donc un siècle et
demi d’existence quand il se trouve lié à la royauté. En effet Charles Quint
vieillissant décide de partir à la retraite, il passe la main à son fils
Philippe II. Et comme de nombreux retraités d’aujourd’hui il décide de changer
de mode de vie. Là s’arrête la comparaison contemporaine. A cinquante-cinq ans
Charles Quint n’est donc plus roi d’Espagne mais continue à veiller sur les
affaires en s’installant dans un monastère. Son fils ne voit pas d’un bon œil
cette installation car il craint que son père tombe malade dans cette région
infestée par la malaria. Depuis Bruxelles jusqu’à Yuste le voyage de Charles
Quint est une sorte de dernier tour de piste, de l’homme qui fut le plus
puissant du monde durant plusieurs décennies. Ce long voyage dans la partie espagnole de l'empire fut l’occasion de
cérémonies et certains monuments érigés à l’occasion sont encore visibles, par
exemple l’arc Santa Maria de Burgos. Arrivé en Cantabrie, par bateau, il a parcouru des centaines de kilomètres à cheval. Aujourd’hui encore cette route fait
l’objet de reconstitutions, avec une arrivée en costume d’époque à Yuste.
De l’intérêt de Charles Quint pour
les lieux, le monument retira le statut de monastère royal. Celui-ci avait
été largement aménagé pour accueillir le souverain, et les personnes qui
l’accompagnaient, dont une petite soixantaine de domestiques. En effet pas
question que le monarque s’installe dans une simple cellule de moine comme le
souligne Michel del Castillo dans son dictionnaire
amoureux de l’Espagne. On peut, à l’occasion de la visite, découvrir ce
logement, meublé en partie, et qui permet d’imaginer ce que pouvait être devenu
l’homme de cinquante-huit ans qui devait mourir dans ces murs de la malaria, le
21 septembre 1558. Son corps resta un temps dans cette dernière demeure.
Aujourd’hui, suite à une décision de son fils il repose à l’Escurial, avec les
autres rois d’Espagne. Deux événements marquent le séjour à Yuste. Premièrement, c’est là que Charles rencontre un jeune garçon, Don Juan, son fils illégitime,
auquel il assurera une place confortable à la cour. Deuxièmement, on relate que
Charles Quint y aurait assisté à son propre enterrement, mais il semble que
ceci relève plutôt de la légende.
Mais la vie du monastère ne s’est
pas éteinte avec celle de Charles Quint, qui n’occupa les lieux que deux
petites années finalement. Comme beaucoup de monuments c’est la guerre
d’indépendance qui va être la première menace grave pour sa sauvegarde. En
1809, les moines quittent les lieux suite au passage des troupes napoléoniennes. Profanations et incendies ont alors largement dégradé le monument. La confiscation des biens de l’Eglise en 1835 est une double peine pour le monastère. A partir de là, le
monastère va peu à peu, au fil de ses propriétaires, s’abîmer dans l’oubli et
l’abandon. Diffèrents grands auteurs, comme Unamuno, témoigneront de l’état de
ruine dans lequel est plongé l’ancienne demeure de Charles Quint.
Il faut attendre 1941 pour qu’on s’intéresse
à nouveau au monastère. Commence alors un long chantier de restauration, qui ne
s’achève que dix-sept-ans après. Le monastère était sauvé, les moines y reviendront. Néanmoins il a fallu
continuer à entretenir le monastère, et les restaurations ont encore eu lieu dans les années 2000, avec des réfections de la toiture, des sols, des drainages…
Aujourd’hui, dans la superbe vallée
du Jerez, le site touristique de Yuste est un atout indéniable, il s’y est pressé
plus 100 000 visiteurs durant l’année 2016, et le chiffre est en constante
augmentation. Une des explications de ce succès repose sur différents phénomènes dont un qu’il faut souligner, la série Carlos
el rey emperador, qui a déjà été évoqué sur ce blog. Elle a relancé l’intérêt
pour ce personnage historique et donc pour ses lieux de vie. Une partie des scènes a
été tournée dans le monastère en 2015.
Cette visite inattendue dans mon
voyage a été une très belle découverte, je ne peux que vous la conseiller, mais
n’arrivez pas trop tard, comptez minimum une heure et demie pour la faire sans
vous presser.
A bientôt pour une visite à Ségovie
PS : Charles Quint vous intéresse, découvrez le compte rendu de lecture "Charles Quint, empereur des deux mondes" de J. Perez
Quelques
sources :
AMARA P. « El último viaje del
Emperador » in eldiario.es le 10
janvier 2015
DEL CASTILLO M. « Charles Quint »
in Dictionnaire amoureux de l’Espagne,
2005
MARTIN
LOBO M « ...Y Yuste resucitó » in elperiodicoextremadura.es le 24 octobre 2008
PRUNELL
A. « Charles Quint à Yuste » in 101
scènes pittoresques de l'histoire d'Espagne, 2017
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