vendredi 12 juillet 2019

Voyage au fil des pages : Instant de guerre (1937-1938)









            Cette année j’ai eu le temps de lire. Alors si vous cherchez un peu de lecture pour cet été, n’hésitez pas à vous rendre dans la rubrique Voyage au fil des pages. Après les bandes dessinées, je vous propose un témoignage, petit format, facile à emmener dans votre valise. Je vous avais déjà parlé de Laurie Lee pour sonbel ouvrage, Un beau matin d’été. Ce volume, était le second de sa trilogie autobiographique, il s’y concentrait sur son voyage en Espagne à l’aube de la guerre civile. Son enfance en Grande Bretagne avait été traitée dans le très poétique premier tome, Rosie ou le goût du cidre. Les deux premiers ouvrages peuvent se lire indépendamment l’un de l’autre ou bien dans le désordre, comme je l’ai, accidentellement, fait. Le troisième tome, quant à lui nécessite d’avoir au moins lu Un beau matin d’été. Intitulé Instant de guerre (1937-1938), Laurie Lee y clôt le récit de sa jeunesse par son témoignage de combattant durant la guerre civile.



            Le récit de Lee recommence là où nous l’avions laissé à la fin du second volume, il revient en Espagne pour rejoindre les rangs des combattants républicains. Tant qu’à faire notre jeune rêveur ne tient pas compte de la saison et décide de passer les Pyrénées à pied, en plein hiver. Première bêtise. C’est avec distance que Lee considère cet ubuesque voyage de jeunesse. Il faut dire que si le deuxième tome était écrit en 1969, ce troisième récit est couché sur papier au soir de sa vie en 1991. Il raconte avec sévérité ce périple qui le mènera au plus près de la bêtise de la guerre. Dans ces lignes on mesure toute la désorganisation, la division, la suspicion qui mènent à sa perte le camp républicain. Laurie Lee, étranger, blondinet au drôle d’accent, surprend et étonne. Il visite donc autant les geôles de contre-espionnage de son camp que les terrains d’entraînement. C’est une drôle de guerre et le vieux Lee se questionne régulièrement sur le bien-fondé des ordres reçus par le jeune et fougueux Lee.
            Au voyage dans un pays en guerre s’adjoint un périple dans l’âme humaine au fil des personnages qui aident ou barrent la route du héros. Une des premières rencontres du jeune homme est un déserteur. Lui qui vient faire la guerre rencontre un garçon qui ne veut qu’une chose : la quitter. Son horizon ? La fuite ou le peloton d’exécution. Le combattant idéaliste rencontre un homme prisonnier du cycle de la guerre censée offrir la liberté. Le poète découvre aussi que la guerre est parfois l’occasion de régler dans le sang des conflits familiaux, des rancunes. Ce que constate rapidement l’idéaliste c’est aussi les motivations très variées des combattants qui rendent très difficile la cohésion, sans compter l’obstacle de la langue. Le jeune britannique découvre la réalité d’une armée aux uniformes en loque, aux armes disparates quand les fusils en bois ne sont pas les seuls que l’on voit à l’entraînement.

            En plus d’être un témoignage très intéressant, c’est aussi le regard d’un jeune homme qui a déjà visité ce pays et qui le redécouvre. Il l’a vu l’été, il le découvre désolé par l’hiver et la guerre. Certaines constatations du premier voyage se confirment comme le rapport contradictoire de certains espagnols avec l’Eglise. Ainsi quand les hommes sont encasernés dans une église réquisitionnée et détériorée volontairement, certains sont néanmoins outrés quand Lee décide de dormir sur l’autel. Il observe aussi avec stupéfaction la vie dans le Madrid de la guerre, bombardé. Prisonnier, combattant, espion, écrivain pour la radio, la guerre l’entraîne sur des chemins très variés, avec une question qui nous taraude : Lee tuera-t-il ? Montera-t-il au front ? Celui de Teruel n’est qu’à quelques pages de là.
            Si les retours de mon entourages avaient été moins enthousiastes sur ce tome que sur les deux précédents ce ne fut pas mon cas. Différent, moins rêveur et moins poétique, le Laurie Lee de la guerre quitte définitivement sa jeunesse idéaliste. Il tue un peu de l’homme qu’il était en partant à la guerre, il se confronte violemment à la réalité. A lire pour avoir le regard d’un vieil homme sur le rêve de l’enfant qu’il fut. Au-delà d’une désillusion certaine, le britannique y voit surtout un tournant dans l’histoire européenne, les germes d’une autre guerre qui allait bientôt plonger toute l’Europe dans les mêmes questionnements que lui. Alors n’hésitez plus, lisez la trilogie de Laurie Lee.
Bonne lecture

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