mercredi 24 février 2016

Il était une fois... les Colonia, trois générations d'architectes pour redessiner Burgos

Le Burgos des Colonia en un clin d'œil avec trois réalisations de cette famille : les flèches de la cathédrale, le ciboire, l'arc Santa Maria. 
            Mon dernier dossier du mois remonte à décembre dernier, il portait sur le Cid, nous allons encore rester dans la région de Burgos. Ce mois-ci je vous propose un dossier qui ne sera pas sans rappeler celui qui portait sur la dynastie des Churriguera, ces hommes qui dominèrent le monde de l’architecture en Castille, en particulier dans la région de Salamanque. Moins connue, un peu plus ancienne, la famille des Colonia méritait aussi un dossier car elle connut aussi une certaine célébrité, mais à Burgos. Vous aurez forcément à faire à certaines de leurs œuvres si vous passez dans la ville. Je vous raconte cette success-story du XVe siècle.  
 Premiers pas en Espagne

            Le premier architecte de cette famille qui fit œuvre en Espagne, se nommait Jean de Colonia. Comme son nom l’indique, il est originaire de Cologne (Allemagne). Venu à Burgos dans les bagages de l’évêque Alonso de Carthagène, qui s’était rendu au concile de Bâle (fin 1441), il s’investit dans l’architecture religieuse. On considère qu’en Espagne, il est un des plus grands représentants du gothique flamboyant. Son œuvre la plus connue reste les flèches de la cathédrale de Burgos sur lesquelles il commence à travailler en 1442. Il s'active aussi à l'intérieur du bâtiment avec la construction de chapelles. Le décès du premier évêque, en 1456, avec qui il aurait donc quitté l’Allemagne, n’entrava point sa carrière dans la ville, puisque le successeur au siège épiscopal lui apporta aussi son soutien. On lui doit deux chapelles dans la cathédrale de Burgos, dont celle de la Visitation où repose l’évêque Alonso de Cathagène. Il avait aussi réalisé le cimborio, qui occupait la place de l’étoile de la tour de la lanterne, mais il s’effondra en 1539. Voilà donc comment la grande réalisation gothique se retrouva influencée par des courants artistiques rhénans.  

Au service des rois catholiques  

Palacio del Cordon
            Jean eut deux fils architectes comme lui, Simon et Diego, le premier laissa lui aussi son nom dans l’Histoire. Avec son père, pour commencer, Simon œuvra à la construction du superbe monastère de Miraflores. Si c’est bien à Jean que l’on doit l’élaboration des plans de la chapelle, Simon fut maître d’œuvre du chantier à part entière après le décès de son père, en 1481. On note néanmoins que son oncle maternel eut quelque temps le chantier en main, à partir 1477. La transition entre les deux générations se fit ainsi, le fils terminant les chantiers inachevés de son père. Il continue, pas exemple, la Casa del Cordon, lancée à Burgos en 1476, mais Simon non plus n’en verra pas la fin, bien que mort près de trente ans après son père.

San Pablo (Valladolid)

On lui doit le superbe travail de la chapelle du connétable à Burgos, son œuvre phare. Il œuvra aussi à Valladolid (dans les années 1480) où sa réalisation la plus impressionnante reste tout de même la façade de l’église San Pablo et la chapelle du collège San Gregorio (musée de la sculpture). C’est sur ces chantiers qu’il forme son fils Francisco. Simon travailla aussi à la conception des plans de la cathédrale de Palencia et sur le chantier de celle-ci de 1504 à 1506. Des trois représentants de la famille, c’est l’architecte qui a laissé le plus de réalisations hors de Burgos, et même hors de Castille. Ainsi de 1496 à 1502 il dirigea le chantier de la cathédrale de Séville, et un temps, il travailla à Tolède pour le compte des rois catholiques. C’est pour eux aussi qu’il travaille sur l’église Santa Maria à Aranda de Duero. Mais il ne la verra jamais achevée puisqu’il s’éteint en 1511, il a 57 ans.

 L’intégration à la société espagnole

Le retable de San Nicolas de Bari

            Francisco, né en 1470, marche dans les pas de son père pour ce qui est de la voie professionnelle, mais perd toute attache au style rhénan pour épouser le courant hispano-flamant. Avec Francisco, les Colonia semblent avoir définitivement intégré la société espagnole. Sa première œuvre est sûrement la plus originale produite par la famille, du moins une des plus marquantes, le superbe retable mayor de l’église San Nicolas de Bari. Bien qu’on puisse supposer que Simon soit intervenu dans la conception du retable, c’est bien une réalisation personnelle de Francisco. C’est aussi un projet de son père qu’il achève, au travers de l’iglesia de la Merced. On sait qu’aux alentours de 1515-1522, Francisco travailla sur le chantier de la cathédrale de Salamanque. Il revient à Burgos pour la reconstruction de l’arc Santa Maria dont il sera l’un des architectes. Francisco est aussi appelé pour reconstruire l’œuvre de son grand-père, le ciboire, effondré en 1539, il y consacre le reste de sa carrière. Il décède en 1552.     

Le ciboire reconstruit par Francisco

            Je n’ai pas trouvé, au cours de mes recherches, d’autres membres de la famille Colonia ayant marqué l’histoire de l’architecture. L’héritage qu’ils laissent à l’architecture espagnole est loin d’être négligeable. L’effondrement du ciboire à Burgos ne fut malheureusement pas une exception dans leurs travaux, il semble que les techniques de tailles allemandes qu’ils préconisaient étaient encore mal maîtrisées par les tailleurs espagnols. Leur plus grande réalisation reste tout de même la cathédrale de Burgos où les trois générations apportèrent leur touche personnelle.
A bientôt


Arc Santa Maria

En bonus la chronologie de la famille à télécharger   




Bibliographie utilisée pour la réalisation de ce dossier :

ALONSO RUIZ, Arquitectura tardogótica en Castilla: los Rasines, Universidad de Cantabria, 2003

CLEMENTE SAN ROMAN Calos, « Levantamiento de la catedral de Burgos », Informes de la Construcción, Vol. 41 n ° 401, mayo/junio, 1989

WATKIN David, A History of Western Architecture, Laurence King Publishing, 2005

« Essai d’un catalogue alphabétique des architectes belges et hollandais » Revue générale de l'architecture et des travaux publics, 1873             

1 commentaire:

  1. L'architecture est tout bonnement magnifique ! L'abondance de détails est absolument fabuleux.

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