Je
vous emmène aujourd’hui dans le quartier juif de Ségovie, que je n'ai
presque pas exploré sur le blog pour l’instant. Je ne vais pas évoquer une
partie du patrimoine lié à cette culture comme la synagogue mais une statue qui
m’a surprise. Elle ne m’a pas vraiment plu, mais comme le nom du personnage
représenté ne me disait rien, je suis allée faire quelques recherches. Autant
je suppose que les noms de Machado, du Cid ou de Suarez, pouvaient vous évoquer quelque chose, autant celui de Marazuela risque de ne pas vous rappeler quoi que ce soit. Eh bien aujourd’hui je vous emmène rencontrer ce monsieur.
Fin
du XIXe siècle, un jour d’octobre 1891, dans un petit village du nom de Valverde
de Majano (1000 habitants), un enfant voit le jour, Agapito Marazuela. Il
grandit bercé par la musique, et son attirance pour cet art est renforcée à
l’âge de sept ans. En effet une opération laisse aveugle de son œil droit et
endommage sa vision du côté gauche. Il va donc peu à peu favoriser
l’apprentissage par l’écoute, car la lecture est un exercice difficile suite à
son handicap. A l’âge de treize ans il part à Valladolid pour se perfectionner
dans l’art de la dulzaina ( Instrument à vent, dans le style de la flute, il est très répandu en Castilla y León.). Son maître
de musique Angel Velasco révolutionna l’instrument en l’améliorant
techniquement. Dans les années 1920 il part s’installer à Madrid. Il touche à
d’autres instruments, il se met notamment à la guitare. C’est cet instrument qui
va le porter le reste de sa vie.
A partir de
1934, il commence à compiler les œuvres traditionnelles de sa région, chants religieux, musiques des bergers… Son expertise le mène par exemple à
l’exposition universelle de Paris en 1937, où Picasso présente Guernica. Il y
dirige des groupes de danseurs qui représentent la Castille. Mais en 1939 le
musicien est emprisonné à cause de ses convictions politiques, il a participé aux Milices Antifascistes Ségoviennes à Madrid. Trente ans après le début
de ses recherches musicales, en 1964, le résultat de cette étude sera publié sous la forme d’un livre qui remportera un grand succès. Quand il meurt en 1983, à Ségovie, le
monde a changé, le village où il est né a vu le nombre de ses habitants
divisé par deux, mais il a gravé dans la mémoire ce qui aurait pu disparaître
pour toujours. Il laisse aussi à la ville une école de dulzaina. Son travail sur le folklore reste une référence en la
matière.
En
2002 la ville décide d’inaugurer une statue en son honneur, réalisée par le
sculpteur José María García Moro (1933-2012). Ce n’est pas la première fois que
cet artiste représente le maître du folklore castillan, il a en effet réalisé
le trophée à son effigie pour le prix du folklore européen. Au fil des années
la statue est devenue un lieu d’hommages répétés au célèbre musicologue. Parfois
il est honoré pour sa facette de musicien, parfois pour celle de l’engagé
politique. La statue est comme coupée en deux, choix artistique étrange, mais
dans lequel, j’ai envie de voir l’évocation de ce double rôle du personnage, intellectuel
et homme de son temps. On ne peut pas considérer un de ces aspects sans l’autre,
du moins c’est une de mes hypothèses.
Une
rencontre énigmatique pour moi, qui suite à la rédaction de cet article, devient particulièrement
intéressante. Le patrimoine n’étant pas que dans la pierre, j’incite toutes les personnes
amatrices de musique et de la région à consulter les travaux de Marazuela et à se
promener sur internet où textes et videos sur le personnage foisonnent.
Bonne
écoute et rendez-vous dans trois jours pour un autre article
CABANAS BRAVO Miguel, Arte en tiempos de guerra, Editorial
CSIC, 2009
MARTIN Aurelio, « MONUMENTO
A AGAPITO MARAZUELA », El Pais, 25 février 2002 [Disponible
en ligne, consulté le 29 septembre 2015]
VEGA SOMBRIA Santiago, « Un poco de historia de Antonio
Marazuela », Elnortedecastilla.es, 8
décembre 2012 [Disponible
en ligne, consulté le 28 septembre 2015]
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