Remontons
le temps pour nous projeter au XVIe siècle, durant les règnes de Charles
Quint et Philippe II. Un homme d’église va marquer son temps, s’inscrire dans
le courant humaniste qui anime l’Europe. Né en 1527 ou 1528 à Belmonte, non
loin de Cuenca, Luis est issu d’un milieu relativement lettré, son père est un
homme de loi, il est donc porté par un socle culturel assez solide. Sa famille
déménage à plusieurs reprises quittant Belmonte, pour Madrid puis pour Valladolid.
Assez jeune il témoigne déjà de bonnes capacités intellectuelles et d’un goût
relativement marqué pour les études. L’adolescent, d’environ quatorze ans, se
rend à Salamanque pour commencer l’étude du droit canon, quoi d’anormal
pour un fils d’avocat ?
Deux ans plus
tard, de façon assez subite, il entre dans les ordres et commence l’étude de la théologie. Il aiguise aussi sa maîtrise du latin, du grec et de l’hébreu. Ayant atteint un certain niveau d'étude et gagné une reconnaissance de sa piété il est envoyé par les Augustins à Tolède. Durant les
années 1550, le religieux se déplace dans toute la Castille, revenant à
Salamanque, se rendant à Soria, étudiant à Alcala… Ces multiples voyages
nourrissent ses réflexions et sa philosophie. Il a trente-trois ans quand il
obtient le grade de docteur à Salamanque. Quelques années plus tard il détient
la chaire de théologie à l’université.
Cet augustin
enseigne à l’université de Salamanque pendant une trentaine
d’années. Mais cette carrière connut des périodes troubles, où le professeur se
retrouva sur la sellette. Son étude détaillée des textes religieux provoqua les
soupçons de l’Inquisition qui l’emprisonna dans ses geôles près de quatre ans,
à Valladolid. On le soupçonne alors de remettre en cause certains textes, on apprécie
moyennement sa démarche de traduction de passages de la bible en
castillan. Ses lointaines origines juives jouèrent sûrement en sa défaveur,
rappelez vous, nous avons parlé récemment de cette communauté lors de la visite
de la synagogue de Ségovie et ce qui lui arrive quelques décennies plus tôt. Libéré en 1576 il reprend son travail d’enseignant. Il
continue à questionner et à remettre en cause certaines certitudes de la
communauté religieuse, restant ainsi un théologien de premier ordre. Il
travaille aussi à l’édition des textes de Sainte Thérèse d’Avila. Il décède en
août 1591, dans la province d’Avila, alors qu’il préside un chapitre (réunion).
Son corps est rapatrié à Salamanque, d’abord au couvent des Augustins et quelques
siècles plus tard, en 1856, dans une chapelle de l’Université.
En
1869 la ville de Salamanque inaugure une statue qui fait face à la façade
plateresque de l’université, financée via une souscription populaire. Cette représentation
de Fray Luis de Leon est l’œuvre de Nicasio Sevilla. Le piédestal est en
marbre, on y trouve des allégories, comme celle de la poésie. Les commentateurs, aujourd’hui comme hier, apprécient généralement le calme qui ressort de la statue,
l’attitude très naturelle. Nous avons parfois du mal à la percevoir car elle
est tout de même assez haute, mais je m’accorde sur le fait qu’il semble
presque bienveillant. Ce bronze manque d’attention de la part des touristes,
moi pour commencer, simple décoration pour beaucoup, une plaque
explicative attirerait sûrement le regard, sur un des plus fameux étudiants de
l’université.
Aujourd’hui
encore son œuvre constitue un élément essentiel du patrimoine littéraire espagnol,
il est un des auteurs majeurs de la Renaissance du pays. A la fois poète, théologien,
enseignant, cette figure de Salamanque permet à l’université de s’enorgueillir car
cet intellectuel a, à la fois, commencé ici son parcours et dispensé son
enseignement dans ses murs. Levez les yeux quand vous visiterez les lieux,
interrogez vous sur la place de cet homme qui lutta contre les pires instances de
son époque. La statue donne corps au monument de l’université, elle nous explique
que sa renommée est due avant tout à ceux qui l’ont fréquentée et qui l'ont fait vivre.
Bonne
promenade intellectuelle et rendez vous pour un autre personnage dans quatre
jours.
BELDAS PLANS Juan, Grandes personajes del Siglo de Oro español,
Palabra, 2013
LAZCANO Rafael, Fray Luis de León: un hombre singular,
Ed.Revista Agustiniana, 1991
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