dimanche 8 mars 2020

La Castilla y León au cinéma : Mientras dure la guerra / Lettre à Franco


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           En 2014 j’avais eu envie de lancer une nouvelle rubrique sur la représentation de la région dans les films, avec un premier article sur « The way, la route ensemble ». L’expérience s’était arrêtée là, n’ayant pas eu d’autres rencontres avec les films tournés en Castilla y León. Il y a quelques jours pourtant j’ai, enfin, trouvé le temps d’aller voir « Mientras dure la guerra » (titré « Lettre à Franco » en France) réalisé par Alejandro Amenábar. Je l’attendais avec impatience puisqu’il a été largement tourné à Salamanque.

        Le film s’ouvre sur l’arrivée des militaires suite au soulèvement. Nous sommes sur la Plaza Mayor de Salamanque, en juillet 1936. Le scénario court jusqu’aux conséquences du discours de Miguel de Unamuno le 12 octobre de la même année. Le film décrypte les événements durant cette courte période, qui d’une part amènent Unamuno à ce discours véhément et qui, d’autre part, provoquent l’accession de Franco à la responsabilité de Caudillo. Unamuno est un vieil homme, fatigué par la vie, et hésitant quant au camp à choisir dans la guerre qui déchire son pays. En 1936, il a déjà connu l’exil, observé les violences des différents partis, et c’est un homme usé, veuf et ayant déjà enterré deux de ses enfants. Le film nous présente un résistant hésitant, peu hostile au nouveau gouvernement qui se met en place, d’autant plus qu’il peut retrouver ses fonctions de recteur de son université. La prise de conscience est lente mais bien détaillée par le réalisateur, elle tient de rencontres mais encore plus de disparitions qui inquiètent Unamuno. Progressivement le professeur comprend qu’il ne peut pas rester spectateur de la tragédie qui se dessine. Le deuxième portrait que dresse le long métrage est celui de Franco et surtout de son entourage. Présenter Franco en père de famille, hésitant, entouré de militaires impulsifs et fanatiques est intéressant. Cela rejoint assez la vision détaillée pas Michel del Castillo dans son livre « le Temps de Franco », que je vous avais présenté sur le blog. Un dictateur ne se fait pas tout seul, et on sent que le destin de Franco tient peut-être autant aux circonstances chaotiques de la période qu’à la personnalité du petit Paco, comme l’appelle affectueusement son entourage. Le plus marquant des personnages, coté franquiste, est l’effrayant Millan Astray, soutient indéfectible du Caudillo en devenir.

            Que dire, puisque c’est ce qui nous intéresse, de la représentation de Salamanque ? C’est un plaisir pour moi de retrouver la ville que je n’ai pas vue depuis deux ans. Premier plan ,la scène d’ouverture sur la Plaza Mayor, avec de la verdure, qui manque tant aujourd’hui. Elle permet donc de retrouver la place telle qu’elle était encore aménagée à l’époque. A de nombreuses occasions le café Novelty apparaît et est mentionné, attention vous vous en rendrez compte ce n’est pas l’établissement actuel qui est utilisé, une façade d’époque a été reconstituée. Le film donne à voir une vraie carte postale touristique de la ville : Cathédrale, pont romain, intérieur et façade de l’université… Qui ne connaît pas du tout la ville y trouve une véritable invitation à la découvrir. 

            Pour les autres, il y a quand même quelques incohérences géographiques qui devraient les faire sourire. Ainsi une voiture arrive parfaitement en face de la magnifique façade plateresque de l’Université, et là quelque chose cloche. En effet aucune rue ne débouche face à la façade. En réalité un bâtiment qui abrite aujourd’hui le musée provincial, ancien palais, se trouve à cet endroit et ferme tout accès à la place. Aucune voiture ne peut arriver par là… Un détail sans importance. Un autre accro du même ordre : Unamuno part se promener à pied sur la route de Zamora mais revient par le pont romain. Zamora est au Nord de Salamanque, le pont romain permet d’aller au Sud vers Caceres… Peut-être le philosophe a-t-il voulu prendre le périphérique ? Je pinaille, nous sommes bien d’accord, mais il y a plusieurs autres erreurs de ce type, comme l'étonnant trajet de Unamuno pour se rendre à de chez lui à l'Université pontificale. 
            Tout passionné de l’histoire espagnole trouvera plaisir à visionner ce film. Bien sûr le réalisateur a parfois arrangé l’histoire, d’autres articles vous en donneront les détails en fouillant sur internet. Mais rien d’atroce, on a tout de même un véritable film historique. Il demande par contre un bon socle de connaissances pour ne pas se sentir trop égaré durant le film qui fait référence à énormément de faits extérieurs et antérieurs non expliqués dans le scénario. Il montre aussi une vision intéressante de la guerre civile en passant d’un camp à l’autre, mais loin des combats, plus proche de l’analyse du jeu politique. On peut regretter la sous exploitation de certains personnages comme le petit Miguelin. La place des femmes est par contre intéressante, car dans ce monde masculin elles jouent aussi leur rôle, discrètement. Les filles d’Unamuno, la veuve du maire, la femme d’Atilano Coco, sont autant de personnages féminins primordiaux dans la prise de conscience d’Unamuno. Carmen Franco enfin est un élément clef de la relation entre le philosophe et le pouvoir en place.     
            Je vous souhaite d’avoir l’occasion de visionner ce film, sur grand ou petit écran. Vous découvrirez les dernier mois du grand Unamuno et plus que jamais on comprendra que choisir son camp dans une guerre civile est loin d’être une évidence même avec la sagesse des ans. Si vous souhaitez en apprendre plus sur les liens entre la région et le cinéma vous pourrez, lors d’un voyage à Salamanca, visiter la filmothèque de Castilla y León. 

            Bon visionnage 


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