Plaza Mayor de Salamanque |
On les croise sans cesse, surtout lorsqu’on visite Salamanque, mais on peine à comprendre leurs rôles, à savoir quel lien les unit, frères, neveux, pères ? Un petit dossier s’imposait donc pour mieux comprendre cette dynastie d’architectes qui régna sur les grands projets de l’époque et laissa même son nom à un style.
Trois frères pour une grande destinée
L’histoire
commence avec une fratrie dont le père, d’origine catalane, décède en 1679,
sculpteur de formation ou assembleur de retables selon les sources. Leur
grand-père maternel était sûrement sculpteur, si on suit les suggestions de
certains articles, dont vous trouverez les références à la fin de ce billet. Sur
les sept enfants qui composent cette famille, trois vont marquer l’histoire de
l’architecture. A la mort du chef de famille l’aîné, José, a quatorze ans, Joaquin n’a que quatre ans, et le
petit dernier à peine trois ans, il s’appelle Alberto. Parmi les quatre autres
Churriguera nous ne parlerons que de Mariana, un peu plus loin. C’est à Madrid que
ces enfants vont grandir.
José, l’aîné ouvre la voie
Le retable de San Esteban
Une des premières œuvres marquante est réalisée par l’aîné de la famille c’est le retable du magnifique couvent San Esteban (1693), où il permet à Alberto de compléter son apprentissage. José, prenant de l’importance, deviendra un véritable urbaniste, partant de la région qui nous intéresse pour bâtir un village à deux pas de Madrid, Nuevo Baztan, puis un palais dans la capitale. Il fut particulièrement reconnu de son vivant, puisqu’il fut qualifié de « Michel Ange espagnol », à sa mort. Très jeune, José s'est fait connaître auprès des plus grands du pays, ainsi, en 1687, il remporte un concours pour la réalisation du catafalque de la reine (estrade destinée à recevoir le cercueil). Joaquin et Alberto ont la chance d’avoir un frère aîné bien en vue à la cour, ce qui leur offre protection et bonnes places. C’est en partie ceci qui leur permettra de faire leurs armes sur le chantier de la cathédrale de Salamanque. Les deux cadets vont se succéder au poste de maître d'oeuvre de ce bâtiment permettant à la famille de tenir ce poste près d'un quart de siècle.
Joaquin et Alberto, la reprise du style plateresque
Détail de la façade de San Sebastian |
La paternité des œuvres churrigueresques, une longue remise en question
Alberto s’éteint
en 1750. On a longtemps attribué des
œuvres aux Churriguera qui n’étaient pas les leurs, il a donc fallu faire le
tri sur ce qui avait été fait dans l’enthousiasme de l’époque et ce qui
relevait vraiment du travail de cette famille. Le style churrigueresque avait
en effet fait des émules et inspiré d’autres artistes, il fallut donc s’attarder sur ce qui a réellement relevé de la célèbre fratrie. Et là, même, il a fallu
distinguer qui avait fait quoi. L’aîné a ainsi vu sa liste d’œuvres fondre comme
neige au soleil. Peu à peu le nom de ses cadets fut associé aux ouvrages
qu’ils avaient dirigés, indépendamment les uns des autres. Mais le fait, surtout
pour José et Alberto, que les frères collaborent sur de nombreux projets a
compliqué le travail des historiens, tant et si bien qu’aujourd’hui tout n’est
pas encore tranché. Certaines œuvres ont aussi été commencées par l’un d’entre eux
et terminées par un autre. Alberto après les décès de ses aînés, coup sur coup,
en 1724 et 1725, eut ainsi fort à faire. Joaquin de son coté a posé bien des
problèmes aux historiens car il a collaboré avec tant d’autres artistes qu’il
est difficile de savoir ce qui relève réellement de son travail personnel.
Leur
style a perduré au travers de leur collaborateur comme Andrés García de
Quiñones, l’autre architecte de la Plaza Mayor. Le lien entre la famille
Churriguera et l’architecture ne s’est
pas arrêté avec le décès d’Alberto puisque la génération suivante a pris le
relais. Les fils de José, Nicolas et Jeronimo, deviendront à leur tour
architectes. Ils participeront au chantier de la Plaza Mayor sous la direction
de leur oncle Alberto. Un neveu, Manuel de Larra Churriguera, fils
d’une de leur sœur Mariana, devint aussi architecte et travailla avec ses oncles,
terminant à son tour certains de leurs chantiers, par exemple la façade de la cathédrale de Valladolid. Il a travaillé ensuite dans d'autres régions du royaume, comme dans l'actuelle province de Caceres. Le frère de Manuel était
quant à lui sculpteur, principalement formé par l’aîné des Churriguera, il
partira vivre à Lisbonne. La seconde génération a moins marqué Salamanque, quoique,
mais c’est un tort de l’oublier puisqu’elle montre à quel point cette famille
a su s’installer, voir dominer, l’architecture de l’époque.
En
bonus je vous propose une frise concernant les trois frères et leurs œuvres. En
bleu les éléments de vie de José et ses œuvres, vert pour Joaquin, rouge pour
Alberto. La frise n’est pas exhaustive, j’ai fait au mieux, pour l’attribution
des œuvres, gardez en tête que parfois les historiens ont, eux même, du mal à
trancher. Je n’ai pas toutes les œuvres mais celles qui m’ont paru assez
documentées, avec date, et nom des Churriguera clairement lié à ce travail.
Cliquer pour agrandir :
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Bibliographie :
BENDALN GALAN Manuel, Manual de arte espanol, Silex Ediciones, 2003
BENDALN GALAN Manuel, Manual de arte espanol, Silex Ediciones, 2003
CIUDAD D’ORGAZ, Obra artística de Churriguera, => http://www.villadeorgaz.es/orgaz-personajes-churriguera-obras.html
DAMISCH Hubert, « L'œuvre
des Churriguera : la « catégorie » du masque ». Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 15e année, N. 3, 1960.
pp. 466-484.
LAVEDAN Pierre, HUGUENEY Jeanne, HENRAT Philippe, L'urbanisme à l'époque moderne, XVIe-XVIIIe siècle, Paris Genève, 1982.
RODRIGUEZ DE CEBALLOS Alfonso, Los Churriguera, Volume 46 de Artes y Artistas, Instituto Diego
Velazquez, 1971
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