Si
vous lisez régulièrement le blog, vous n’ignorez pas que je fonctionne par
séries thématiques d’articles. Aujourd’hui nous nous rendons à Soria découvrir la
diputacion provincial, quel lien avec l’article précédent sur la statue de San
Lazaro à Palencia ? Cette bâtisse a la particularité de se distinguer par les
huit statues qui ont été placées devant la façade. Là encore un hommage
particulier qui mérite d’être expliqué.
L’institution
s’installe en 1863 dans le bâtiment actuel. Il est largement rénové en 1959.
Les sculptures sont commandées à l’artiste Federico Coullaut-Valera (1912-1989), et sont installées au début des années 1970, hommage à de grands
personnages de la région. On pourrait finalement presque y relire les grandes lignes de l’histoire
espagnole moyenâgeuse et moderne (interprétation qui n'engage que moi). Je vous les présente dans l’ordre chronologique et non de
positionnement comme la plupart de autres guides:
-
L’Espagne
du Cid avec « El Juglar del Cid », personnage légendaire,
dont on ignore s’il a la moindre réalité historique. Peut-être est-ce l’auteur
du poème, El cantar del Mio Cid, une
des chansons de gestes les plus anciennes de l’histoire espagnole, qui fonde le
mythe du Cid. Ce personnage pourrait donc être l’anonyme qui mit en mots cette
histoire. On suppose qu’il fut originaire de la région de Gormaz, voilà
pourquoi la province de Soria l’a récupéré pour sa série de statues.
-
L’Espagne
de la reconquête avec San Pedro
de Osma, un français venu en Castille au XIe siècle. En effet ce dernier était
originaire du royaume de France, de Bourges (parfois Béziers selon les
traditions), il fit sa formation religieuse à Cluny. Appelé en Espagne à Tolède
il fut ensuite nommé évêque à Osma, zone récemment reconquise à la foi
chrétienne. Il lance donc la mise en place d’un nouveau diocèse et d’une
nouvelle cathédrale celle de Burgo de Osma, qu'il tient dans les mains, il est aujourd’hui le parton de la
ville. Il mourut à Palencia en revenant de l’enterrement du roi après une longue
carrière hispanique.
- L’Espagne
des rois castillans avec Alfonso VIII, roi de Castille au XIIe siècle.
Je ne reviendrai pas longuement sur ce roi et ses liens avec Soria, sa ville
natale, puisque j’en ai déjà longuement parlé dans l’article sur l’église Santo
Domingo, que je vous invite à relire. Grand père de Saint Louis, descendant du
Cid, roi trop jeune, il vécut à Soria durant son enfance pour tenter d’échapper
aux luttes de pouvoir et plus simplement à la mort. Aujourd’hui c’est une des
fiertés de la ville d'avoir abrité un prince qui finit par monter sur le trône
espagnol.
- L’Espagne
des cisterciens avec San Martín de Finojosa. Ce jeune noble du XIIe
siècle, né dans un petit village de la province à la limite de l’Aragon prit l’habit
religieux à 18 ans. Il rejoint les cisterciens qui se sont installés dans la région
quatorze ans plus tôt et devient abbé à 26 ans. Il impulsa une bonne dynamique
au monastère de Santa Maria de la Huerta, qui existe encore aujourd’hui, et
consolida la communauté cistercienne. Vingt ans plus tard il est nommé évêque
de Siguenza, poste auquel il n’aspirait pas particulièrement. Quelques années
plus tard il renoncera à sa charge pour retrouver une vie monacale plus en
adéquation avec ses aspirations morales et religieuses. Son humilité était reconnue
par tous. Les différents miracles qui lui furent attribués après sa mort,
permirent de le canoniser.
-
L’Espagne
des conquistadors avec Francisco Lopez de Gomara, né dans le village du
même nom, à une trentaine de kilomètres de Soria, vers 1510. Ce prêtre fut un
proche d’Hernan Cortes, conquistador de renom, et vécut avec lui à Valladolid. A
la fois secrétaire, et après sa mort, auteur de textes biographiques sur ce
personnage historique, il devint grâce à ces contacts un grand historien des
Indes (Amérique). Il ne se rendit jamais en Amérique lui-même. Il voyagea dans
le cadre de sa formation en Italie, et une fois en Flandres pour son ouvrage
sur Charles Quint. Il connut un certain succès, puisque ses livres
furent traduits de son vivant en italien et en français. Il mourut après 1560,
la dernière trace de son existence étant son testament rédigé à Soria.
-
L’Espagne
des fondateurs jésuites avec Diego Lainez, qui faillit bien, devenir
pape alors qu’il était issu d’une famille juive récemment convertie au
catholicisme. Né en 1512 dans le village d’Almazan, au sud de Soria, il fait
ses études dans la prestigieuse université d'Alcala de Henares, où il rencontre Ignace de
Loyola. Il retrouve ce dernier à Paris quelques années plus tard, leurs chemins ne se séparent plus, ordonnés prêtres la même année, il sera l’un des premiers jésuites, quand Ignace fondera la Compagnie de Jésus (1540). Il finira par être
largement reconnu par la hiérarchie ecclésiastique, notamment pour ses écrits au concile de Trente, au point qu’il fut presque élu Pape, mais il se déroba avant l’issue du vote. Diego Lainez est méconnu, même par les
spécialistes de l’histoire religieuse, les biographies de ce théologien les
plus récentes remontant aux années 1940. Soria est donc allée à contre sens de l’Histoire
en lui dédiant une statue et le faisant sortir de l’ombre du fondateur de la
compagnie de Jésus. Cette statue vous a plu ? Vous trouverez exactement la
même dans le village natal de Diego Lainez.
-
L’Espagne
de l’Inquisition avec Maria de Agreda, une sainte, née dans
le village dont elle porte le nom en 1602, dans la province de Soria. Elle
entra, comme beaucoup de jeunes femmes, dans les ordres, puisque sa famille
entière décida de rejoindre les franciscains, sa mère et elle fondent un couvent
de femmes, tandis que son père et ses frères rejoignirent un couvent d’hommes. Cette
jeune femme fit une carrière monacale
fulgurante puisqu’elle fut abbesse à vingt-cinq ans. C’est à cette époque qu’elle
aurait eu ses premières visions mais elle n’en témoigna que bien plus tard par
peur qu’on ne la crut pas. De ces visions, elle tirera des écrits dont le plus
célèbre est La Cité mystique de Dieu.
Mais l’inquisition se méfie de cette femme, et mène même des enquêtes à son sujet, ce qui bien après sa mort retardera sa béatification. Le roi, Philippe
IV, en personne viendra la rencontrer, et entretiendra avec elle une
importante correspondance. Elle décède en 1665.
- L’Espagne
des reliques avec Santa Cristina de Bolsena. Cette sainte italienne,
du IIIe siècle, ne mit jamais les pieds en Espagne, mais une de ses reliques
serait conservée à Burgo de Osma, dans la province de Soria. Martyre enfant, elle meurt très jeune, après une série de tortures dans je vous passe les
détails. Au XVIIIe une relique parvient, depuis Rome, à Burgo de Osma,
aujourd’hui. Sainte Christine y a une place particulière.
Ces
huit statues devant le siège provincial, permettent de voir la ville comme une
capitale qui regarde vers chaque village, chaque personnage qui y est attaché,
du simple moine au roi. On prend aussi la dimension de la culture catholique si
forte en Espagne quand on constate que la plupart ont occupé une fonction
religieuse. Initiative étonnante que ces statues, dont je n’ai pas trouvé les
critères de sélection, mais on ne peut que constater que Soria est toujours
fière de rappeler au bon souvenir de ses touristes les célébrités qui l’on
fréquentée comme Machado ou Gerardo Diego.
Bonne
promenade à Soria
BENAT-TACHO Louise « Lopez de
Gomara : un chroniqueur entre deux mondes », Cornucopia, le 11 février
2014 [Disponible
en ligne, consulté le 26 février 2016]
OBERHOLZER Paul « Le Père Diego
Laínez jésuite » Jésuite de la
province de France [Disponible
en ligne, consulté le 26 février 2016]
Ces statues sont superbes et quel travail !
RépondreSupprimerOui, c'est une idée d'hommage impressionnante, et qui est relativement ignorée des touristes de passage à Soria.
SupprimerJ'imagine que cet article a été un sacré travail, bravo !
RépondreSupprimerMerci, oui c'est un peu long à préparer mais c'est passionnant.
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