Si je vous ai déjà présenté Riofrio
dans la province de Ségovie, un autre site royal est particulièrement
intéressant et se situe tout près de la capitale de province. A côté du célèbre Palais de la Granja, on peut visiter l’ancienne fabrique royale de verre. Cette
jolie visite satisfera autant les amateurs d’art, les passionnés du patrimoine
industriel, et tout simplement les amis de l’histoire. Je vous emmène visiter La
Real Fábrica de Cristales de La Granja de San Ildefonso, à l’ombre du
« petit Versailles espagnol ».
Les rois d’Espagne ont été les
soutiens de l’industrie du pays et des technologies de leur époque. Je vous
l’avais déjà démontré avec la fabrique des monnaies de Philippe II. Le château
de la Ganja est l’œuvre de Philippe V, venu de France. C’est donc au début du
XVIIIe que naît la fabrique de verre dans les années 1730 à deux pas du Palais
royal lui aussi en construction. Les Bourbons se servent de leur pouvoir et de
leurs relations pour recruter les meilleurs artisans d’Europe. Venus de France,
d’Allemagne, de Bohème, ces hommes apportent avec eux le meilleur du
savoir-faire européen dans le domaine. Après moins de cinquante ans
d’existence un incendie ravage la fabrique en 1770.
C’est à cette occasion qu’est
construit le bâtiment actuel. Sous la direction de Joseph Diaz Gamones, fils d’un des architectes de la cathédrale de Ségovie, la fabrique sort de terre en une quinzaine d’années.
Construite sous l’impulsion de Carlos III, un des trois fils de Philippe V à
monter sur le trône, elle annonce l’âge d’or de la manufacture royale. Il faut l’aide de la couronne pendant de
longues périodes de l’existence de la fabrique. Sa réputation dépasse les
frontières de l’Espagne et devient internationale. Certains problèmes d’approvisionnement
laissent un moment penser à transférer la fabrique à Coca, finalement une succursale
sera ouverte dans la petite ville. Rappelez vous que cette ville est très
portée sur le travail du bois, son château est désormais une école professionnelle.
1808, la guerre d’indépendance
interrompt la production de la fabrique, qui ne reprendra son activité normalement qu’en
1815. Mais les difficultés que connaît alors la fabrique forcent la couronne,
pour la survie économique de la manufacture, à la louer à une entreprise privée à partir de 1829. Elle changera plusieurs fois de dirigeants, avant d’être entre
les mains de l’entreprise française Saint Gobain, en 1911. Fondée par Louis XIV, c’est donc une entreprise qui connaît la même origine royale que celle de la
Granja qui reprend les rênes de l’industrie espagnole, et en fait à nouveau une
référence. Mais à la fin des années 1960, Saint Gobain préfère construire un peu
plus loin de la ville une nouvelle usine plus moderne, et abandonne les lieux.
Une fabrique moderne existe donc toujours à quelques kilomètres de celle que
nous visitons, passée dans le giron d’un autre groupe international en 2007.
Revenons à l’ancienne fabrique, durant
l’année 1982, les bâtiments abandonnés voient finalement une fondation naître pour
les sauver et les mettre en valeur. En 1988 les bâtisses sont consolidées et ouvrent au public à la fin du mois de septembre. En 1997 la fabrique est enfin déclarée Bien d’intérêt Culturel, une première assurance de sa conservation. Aujourd’hui
le complexe abrite évidemment un musée, une salle d’exposition temporaire et
une boutique. Ce n’est pas tout, la bâtisse accueille aussi l’école supérieure du
verre, depuis 1998, intégrée dans le système européens des études supérieures avec équivalence de grade et programme Erasmus. A cela s’ajoute une
bibliothèque sur le thème du verre. On continue aujourd’hui à y fabriquer des pièces
artisanales et à y conduire des restaurations pour les œuvres plus anciennes.
L’intérêt du musée repose à la fois
sur la visite de la bâtisse et dans la découverte des pièces exposées. Il a, intelligemment,
été fait le choix de parler du verre sous toutes ses formes et non pas la plus
noble seulement, les objets décoratifs. On découvre les anciennes machines de fabrication
des pavés de verre, celles de production des éléments en verre des pièces du réseau
électrique, celles aussi des isolants en laine de verre… Les espaces d’exposition
temporaire permettent de découvrir, par exemple, le travail d’artistes
contemporains sur cette matière particulière. Enfin un petit espace est consacré à une famille de maîtres verriers spécialisés dans les années 1950, à Madrid, dans les vitraux.
Je ne peux donc que vous conseiller
cette visite, peut-être aurez-vous plus de chance que moi et assisterez-vous à
des démonstrations du travail du verre qui se produisent parfois. Tant qu’à venir
visiter le palais, autant faire la fabrique, cela offre une journée de visite à
la Granja. Pour découvrir la collection des verres de la fabrique vous pouvez
aussi vous rendre au Palais épiscopal de Ségovie qui en conserve un certain
nombre.
A bientôt
Sources :
MARTIN
A. « Una antológica del vidrio de La Granja, abierta al público » El Pais, 30 septembre 1988
MARTIN
A. « La Granja alberga la primera escuela universitaria del vidrio en
Europa » El Pais, 4 novembre
1997
PABLOS
(de) E. «La Real Fábrica de Cristales de La Granja : museo, escuela,
centro tecnologico y de servicios » in
Actas de los VIII Cursos Monográficos sobre el Patrimonio Histórico,
Reinosa, julio-agosto 1997
RUIZ ALCON M., Vidrio y cristal de La Granja, CSIC Press, 1985
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