mardi 16 mars 2021

Plus de deux cents ans que Carlos III règne sur la Plaza Mayor


            Je vous emmène encore découvrir des statues avec une nouvelle série d’articles. Rendons nous sur un endroit que j’aime particulièrement, où j’ai passé de longues heures à déjeuner, la Plaza Mayor de Burgos. Je vous avais déjà détaillé son histoire dans un article de 2016. Je ne m’étais pas étendue sur la statue installée là, il était temps de corriger cet oubli en lui consacrant un article. 

Nous allons donc nous attarder sur cette représentation de Carlos III qui retient assez peu le regard des touristes pressés. Exceptée la statue de Philippe II dont nous avions parlé au printemps dernier, je présente rarement des sculptures consacrées à des souverains. La raison est simple, souvent placées sur des socles très hauts nous n’avons pas le loisir de les admirer en détail. Les statues représentant des scénettes du quotidien sont, bien souvent, directement à notre hauteur, on peut presque se mêler au personnage de l’œuvre. Voici donc probablement pourquoi je n’ai prêté qu’un regard distrait à cette représentation qui en dit pourtant beaucoup.


            Avant tout chose, revenons un peu sur l’histoire de Carlos III (1716-1788), qui a régné sur l’Espagne presque trente ans. C’est loin d’être un roi anecdotique et pourtant à sa naissance il n’était pas si proche du trône. Son père Philippe V, né et élevé en France, avait obtenu la couronne d’Espagne avec le soutien de poids son illustre grand père, Louis XIV. Nostalgique de Versailles il fit construire la Granja, que vous pouvez visiter. Avant la naissance de Carlos, son père a eu quatre enfants de son premier mariage, que des garçons. Deux meurent avant d’arriver à l’âge adulte. Les deux autres vont effectivement régner mais leurs décès prématurés, précipite un Carlos III quarantenaire à la tête du pays.

Ce roi s’intéresse énormément à l’organisation du royaume : cadastre, institutions scientifiques nationales et locales, création et amélioration de la formation militaire… Tout y passe. Si vous souhaitez voir quelques exemples de ses réformes dans la région, direction l’Alcazar de Ségovie ou la fabrique de verres de la Granja. Je ne m’étends pas trop car je pense qu’il faudrait lui consacrer un dossier du mois, comme je l’avais fait pour Philippe II.


C’est est 1784, alors que le règne de Carlos III touche à sa fin, qu'on érige sur la place principale de la ville la statue que nous admirons aujourd’hui. C’est un don du consul et commerçant de Burgos, Antonio Tomé. Cette œuvre est donc une commande passée au sculpteur Alfonso Bergaz. Si on trouve de nombreuses œuvres de sa main à Madrid, Jaén, Cuenca et même en Amérique du sud, elles sont plus rares en Castilla y León. On sait que l’inauguration du monument a donné lieu à d’importantes festivités. Cette statue a une particularité importante comme le souligne Pierre Géal « [La statue de Charles III est] le seul monument érigé à la gloire d’un monarque sur le sol de la Péninsule au XVIIIe siècle ». Ce n’est donc pas tout à fait anecdotique, bien qu’il s’agisse d’une initiative privée. N’oublions pas que Carlos III a particulièrement travaillé sur le développement du commerce et de l’industrie, des secteurs vitaux pour Burgos.  

La statue a veillé sur la cité deux siècles, a observé les aléas de la guerre d’Indépendance, la mutation de la ville, le retour des pèlerins… Mais on est venu la déranger. La réforme de la Plaza Mayor des années 2000 a entraîné le changement total du piédestal. Cela ne s’est pas fait sans protestation. Un premier nouveau support tout en métal très contemporain a été conçu et installé par A. Viaplana. Ce fut un échec cuisant et l’ensemble fut retiré. Vous trouverez aisément des photos de cet essai sur internet. Je vous laisserai vous faire un avis par vous-même. Après un an d’absence Carlos a retrouvé la Plaza Mayor pour Noël 2005

La statue trône aujourd’hui sur la place, et n’a de cesse de voir son environnement évoluer, elle a encore vu les lieux changer d’apparence en 2019. Ce monument qui a la particularité de ne pas avoir bougé depuis plus de deux cents ans, rend hommage autant à un roi imprévu qu’à une époque où Burgos changeait à toute vitesse.

A bientôt

 

Quelques sources pour prolonger la lecture :

« 10 años y sigue la polémica » in diariodeburgos.es le 14 septembre 2014

GEAL P., « La guerre d’indépendance et les politiques de mémoire » in La guerre d'Indépendance espagnole et le libéralisme au XIXe siècle, ed. Casa de Velázquez, 7 mars 2017 

GONZÁLEZ M., « Carlos III, apegado a su pedestal » in abc.es, le 9 janvier 2006.

LE FLEM Jean-Paul, « Le roi, l’armée et la science sous le règne de Carlos III », Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles [En ligne],  | 2011, mis en ligne le 30 août 2011, consulté le 15 mars 2021 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire